Cinq ans d’attente pour une adaptation excessive et sans cohérence narrative de G. Dantec par Mathieu K.
C’est l’histoire d’un mec qui chute et qui, pour se rassurer, ne cesse de se répéter : “jusqu’ici, tout va bien”. Après le sympathique et post-pote (touche pas à mon) Métisse en 1993, Mathieu Kassovitz réalise La Haine deux ans plus tard, n’attendant pas que le terme bling-bling passe dans le vocabulaire courant pour en adopter les préceptes. Jusqu’ici, tout va bien. 1997, Assassin(s), scandale à Cannes et molle polémique sur “les jeunes, la violence et les médias” autour d’un film à gros message et courte vue. Jusqu’ici, tout va bien. Blessé dans son orgueil d’auteur, Kassovitz décide de passer ses diplômes d’action maker discipliné : il traverse, sans trop y croire, Les Rivières pourpres (2000), pour aller, une fois son passeport américain obtenu, se noyer dans la piscine de l’impossible Gothika (2003). C’est seulement à ce prix-là, dit-il, qu’il pourra financer son futur chef-d’œuvre.
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Soit. Jusqu’ici, tout va bien. Cinq ans d’attente et voilà qu’arrive Babylon A.D., adaptation mastoc (budget conséquent et casting international) d’un roman d’anticipation de Maurice G. Dantec réputé inadaptable… On voit aisément ce qui a pu intéresser le réalisateur de La Haine dans cette histoire de convoi messianique, d’une Europe de l’Est tchétchénisée et pleine de réfugiés climatiques à un New York livré aux techno-sectes : le constat, bien penaud, que le monde va mal et que “ça va bien finir par péter un jour ou l’autre”.
Partant de cette assertion pleine de bon sens et tout à son habituelle tonitruance, Mathieu Kassovitz se lance tête baissée et muscles bandés dans l’entreprise, enchaînant les morceaux de bravoure sans trop se soucier de cohérence narrative – il en garde probablement sous le coude pour le director’s cut du DVD –, engloutissant les quelques espoirs suscités par une première bobine honnête (avec un civet de lapin comme signature french auteur) dans les bourrelets de Gérard Depardieu et les rides accentuées de Charlotte Rampling. Dans le grimage excessif de ces quelques guest-stars appelées en renfort réside en fin de compte le secret du cas K. : à défaut d’avoir du style, grossir systématiquement le trait (sound design assassin), découper au hachoir (scènes d’action illisibles), et recouvrir le tout d’un lavis kitsch (une biche comme symbole de pureté, on croit rêver), faisant regretter, sur des thèmes proches, le virtuose Fils de l’homme d’Alfonso Cuarón sorti en 2006. Jusqu’ici, tout va bien. Mais Mathieu Kassovitz devrait savoir que l’important n’est pas la chute, c’est l’atterrissage.
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