Hasards et coïncidences aux quatre coins de la planète pour une sitcom mondialisée bêtement larmoyante.
La fausse valeur montante, c’est lui : Alejandro Gonzáles Iñárritu. En effet,
après un premier film mexicain qui le fit connaître à l’international, Amours
chiennes, et un second produit aux Etats- Unis, en indépendant mais avec un casting de stars (Sean Penn, Benicio Del Toro, Naomi Watts), 21 grammes, le réalisateur est en passe d’acquérir ses plus hauts galons avec son dernier
film, le désolant Babel, déjà couronné au Festival de Cannes du prix de la mise en scène. Et pourtant qu’est-ce que Babel ? A priori, rien de plus qu’une nouvelle fiction mondialisée entrecroisant trois histoires situées entre le désert marocain, la frontière américano-mexicaine et Tokyo.
Jusqu’à présent, Steven Soderbergh s’était imposé comme le maître du genre, en tant que réalisateur (Traffic) et producteur (Syriana). Et, quelles que soient les réticences qu’on puisse avoir sur chacun de ces films, du moins devrait-on leur reconnaître une même vertu : un souci pédagogique de mise à jour des interactions qui relient dorénavant les différents points du globe.
Chez Iñárritu, le schéma d’explication causale ne vaut que comme paravent d’une mystique, beaucoup plus vaseuse, de la “coïncidenceî.
Quel point commun relie ainsi le Maroc et le Japon ? Un bête fusil qu’un homme d’affaires nippon a donné à son guide et qui va servir, par accident, à blesser une touriste américaine. Le Maroc, les Etats-Unis et le Mexique ? Une nourrice
contrainte, par la grande chaîne des événements, d’emmener les enfants de la victime au mariage de son fils. Pas de démantèlement ici des circuits de la drogue ou des réseaux de l’or noir, mais la juxtaposition hasardeuse d’histoires
dissimulant la vacuité de leur lien derrière d’incessants “effets de sens » (“Tu n’es qu’une pute », crie-t-on au Maroc, cut, apparition d’une mariée dans un village mexicain). Encore le film pourrait-il surmonter en partie ce handicap
en donnant un peu à voir les pays traversés mais Babel multiplie les clichés les plus éculés (défilé de trognes burinées au Maroc et de lycéennes en minijupe au Japon).
Mais le plus gênant demeure l’étrange métaphysique
doloriste qui unifie l’ensemble. Car il existe, pour Iñárritu, un principe universel du comportement humain : ce n’est qu’au tréfonds de l’humiliation que deux
personnes peuvent espérer se retrouver. Avec un sadisme inconscient et systématique, il n’a de cesse d’accabler ses personnages pour les faire tomber dans les bras l’un de l’autre.
De ce point de vue, la scène où Brad Pitt et Cate Blanchett rallument la flamme de leur amour ancien tandis que le premier aide la seconde à pisser au-dessus d’une bassine atteint un sommet de grotesque misérabiliste. Sous son packaging attrayant, le dernier film d’Iñárritu ne recèle ainsi qu’une pâte molle et indigeste. Après avoir “envisagé beaucoup de titres différents », le réalisateur a décidé de l’appeler Babel.
“Babybel » aurait été plus juste.
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