A la campagne. En confrontant cinéma et traditions, Avions de papier plaide pour une coexistence pacifique entre culture et progrès technologique. Une fable juste et subtile. Un titre fort adéquat, car à côté de cette première fiction du documentariste Farhad Mehranfar, les productions américaines font figure de lourds B-52. Ici, rien ne pose ni ne […]
A la campagne. En confrontant cinéma et traditions, Avions de papier plaide pour une coexistence pacifique entre culture et progrès technologique. Une fable juste et subtile.
Un titre fort adéquat, car à côté de cette première fiction du documentariste Farhad Mehranfar, les productions américaines font figure de lourds B-52. Ici, rien ne pose ni ne pèse : un projectionniste et son fils s’en vont bucoliquement par les chemins porter la bonne parole du cinéma au fin fond des campagnes iraniennes. Cette fiction minimale est interprétée par des acteurs non professionnels chose courante dans le cinéma iranien qui, de plus, jouent le rôle qu’ils ont dans la vie ; le père est un réel projectionniste ambulant qui sillonne le pays en 4 x 4, et ceux qu’il rencontre sur sa route bergers, nomades ont participé candidement au film, parfois sans même savoir ce qu’était le cinéma. C’est pourquoi, quand le road-movie s’interrompt en aboutissant à un campement de nomades sylvestres où va se dérouler une séance de projection, les vieilles questions ontologiques sur l’essence du cinéma reviennent sur le tapis (persan), avec une certaine naïveté.
Après avoir montré un film sur un écran suspendu aux arbres du campement, l’homme de la ville est assailli de questions. Un grand-père impotent, qui n’a pas pu voir les films projetés (un Charlot et un mélo iranien) que sa petite-fille a dû lui raconter, demande « A quoi sert le cinéma ? » Le projectionniste explique en bon pédagogue qu’avec le cinéma on découvre le monde et les hommes, avec leurs passions, leurs différences… Et le grand-père de rétorquer avec sagacité qu’en nous acclimatant aux différences des autres, le cinéma risque de devenir un facteur d’uniformité. Philosophie élémentaire, dans laquelle il ne faut pas cependant voir un plaidoyer pour l’archaïsme. Le cinéaste, inquiet de la fragilité des cultures minoritaires, plaide avant tout pour une coexistence raisonnée de la tradition et de la modernité technologique. Après avoir montré la campagne comme un éden où les enfants nomades s’ébattent dans une rivière ou font des avions de papier pour imiter les vrais, il nous fait graduellement pénétrer dans un monde de superstitions païennes très éloigné de l’islam , dont l’apothéose est la célébration du printemps ; une pantomime avec masques et danses qui n’a rien à envier aux rites animistes d’Afrique.
A cette fête répond la magie de la projection cinématographique, qui suscite au moins autant d’émerveillement et de crédulité chez ces êtres rustiques que leurs cérémonies primitives. Une belle confrontation, donc, entre deux modes de vie distincts mais pas forcément opposés, la limpidité du dispositif et l’authenticité des lieux et des acteurs ajoutant un surcroît de poésie.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
{"type":"Banniere-Basse"}