La cinéaste retrace l’histoire de la plus célèbre des femmes à barbe dans un film académique mais à la vision féministe singulière.
Le second long métrage de Stéphanie Di Giusto arrive à une époque où les femmes à barbe n’ont plus l’exotisme sulfureux, sexiste et discriminant d’un autre temps. La figure est même devenue une familiarité, un canon (politique) pour performance ou concours de beauté, grâce, entre autres, à l’émission RuPaul’s Drag Race – les merveilleuses drag queens La Big Berta et Piche en étant les dignes représentantes en France.
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C’est avec cette même apparente banalité branchée au contemporain, ce refus de surplomb victimaire et de sensationnalisme que Stéphanie Di Giusto a la bonne idée de filmer sa Rosalie, jeune fille mariée de force à un vieux tenancier (Benoît Magimel) en 1870. Celle-ci est incarnée par Nadia Tereszkiewicz, impressionnante, capable de se tirer avec une aisance déconcertante de tous les pièges attendus (le risque du personnage supplicié) pour lui préférer une sorte de spontanéité, de candeur très réfléchie.
Changer le freak en beau
Son secret, inspiré de la vie de la véritable Clémentine Delait, est celui d’avoir une pilosité importante. Plutôt que de s’en cacher et de devenir un phénomène de cirque épié et moqué, elle décide d’en faire son atout, financier, et bientôt érotique. Rosalie conscientise le risque de se montrer ainsi à une clientèle aux intentions inconnues, mais décide de le prendre. La scène qui la voit descendre les escaliers de la bâtisse, comme une actrice arrivant sur scène, pour se montrer telle qu’elle est, catalyse ce que réussit le mieux le film dans ce subtil déplacement des regards et des réactions, étonnement bienveillantes, portés sur son personnage principal en pleine acceptation de son corps.
Si la mise en scène de Stéphanie Di Giusto, fébrile et corsetée, ne parvient pas à rendre compte pleinement du rayonnement de Rosalie, qui hélas finira par consentir ce contre quoi il s’était prémuni (un dénouement de martyr), la cinéaste confirme son attrait pour une réjouissante exploration et réinvention du féminin, en partie libéré de l’autoritarisme de la binarité.
Avec La Danseuse, libre biopic consacré à Loïe Fuller – célèbre pour ses danses serpentines et leurs amples mouvements aériens rendus possibles par des prothèses de bois cousues dans ses manches –, et Rosalie, Stéphanie Di Giusto aura dépeint deux super-héroïnes (légendaires), en surpuissance d’attributs, changé le freak en beau.
Rosalie, de Stéphanie Di Giusto, avec Nadia Tereszkiewicz, Benoît Magimel, Benjamin Biolay. En salle le 10 avril.
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