Presque 3 heures avec Beyoncé. Dans ce “concert movie” écrit et réalisé par Beyoncé, on suit la popstar à travers son Renaissance World Tour, de Stockholm à Kansas City, dans les coulisses, sur scène, pendant les répétitions. Un long métrage puissant, et pourtant qui nous laisse sur notre faim.
“Écrit, réalisé et produit par Beyoncé”, affiche le générique de Renaissance: A film by Beyoncé. Au moins les choses sont claires, on ne peut pas dire qu’il y a tromperie sur la marchandise. Sorti en salles deux mois pile après la fin de la tournée éponyme de Queen B, Renaissance entend d’abord en faire revivre les concerts dantesques à ses fans, ou permettre à celles et ceux qui n’ont pas pu s’offrir les places prohibitives d’en effleurer la démesure par écran interposé. Disons-le d’emblée : à peu près aussi long que le spectacle (2h48), le film s’acquitte parfaitement de cette tâche.
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Renaissance est ainsi un excellent “concert movie”, au moins aussi réussi que son prédécesseur Homecoming (qui documentait le fameux concert de Coachella de 2018), et largement plus puissant que son concurrent direct, Taylor Swift, The Eras Tour, sorti début octobre et dont le succès n’a d’égal que la fadeur. Si l’autre méga popstar de l’époque n’aura aucun mal à battre Beyoncé sur le plan du box-office – son manque de saveur et son absence de positionnement politique lui assurant un succès œcuménique –, la seconde, toujours au sommet après 27 ans de carrière, s’impose artistiquement.
Hommage à la culture queer et au voguing
Tout ici est d’une générosité, d’une densité, d’un perfectionnisme sans commune mesure, la mise en scène et le montage s’évertuant à transférer les énergies d’un espace-temps à l’autre, parmi la vingtaine de concerts compilés, mais aussi à travers l’écran, les spectateur·rices ne tardant pas à transformer la salle de cinéma en dance hall. C’est que le public est ici, comme rarement, intégré au spectacle ; il en est même, comprend-on rapidement, la raison d’être.
Hommage à la culture queer et au voguing, Renaissance (album, concert, film) est justement décrit par son autrice comme “un safe space où tout le monde doit se sentir libre”. Par les temps qui courent, il ne faut pas négliger la portée de ce geste.
Paradoxes
Communion musicale entre la chanteuse et ses fans, Renaissance ambitionne également, par des interludes nombreux, de dévoiler les coulisses de la “machine Beyoncé” – machine qui n’a toutefois de cesse de répéter qu’elle est humaine. C’est le paradoxe de ce film, et de Beyoncé en général, à vrai dire. Personne n’est davantage dans le contrôle qu’elle, c’est un fait. Et lorsqu’elle veut montrer ses failles, montrer la femme fragile qui se blesse et qui doute, la mère épuisée après ses 15 heures de travail et qui doit s’occuper de ses trois enfants, quelque chose se met à grincer. Cela sonne faux. Sa capacité surhumaine à tout contrôler dans les moindres détails, y compris, dans une scène très drôle où elle choisit les lentilles de la caméra du chef op. Sa volonté de ne laisser personne s’immiscer dans son storytelling; quand bien même elle rend ici un généreux hommage à toutes celles et ceux qui l’ont inspirée et aidée, à commencer par ses géniales danseuses. Son refus des intermédiaires, elle ne donne presque plus d’interview depuis des années, elle signe intégralement ce film , bref son ego sans frein finit par se retourner contre elle.
On rêverait un jour de voir un document sans filtre sur la plus grande popstar du monde. Ou, encore mieux, un document filtré par le regard d’un autre artiste, comme Jonathan Demme avait pu le faire avec les Talking Heads (Stop Making Sense) ou Martin Scorsese avec The Band (The Last Waltz). Mais il faudrait pour cela que Beyoncé accepte d’inviter quelqu’un·e chez elle. Or à en croire le refrain de My House, son nouveau titre inédit révélé à la fin du film, qui clame “Get the Fuck up Out My House” : on n’y est pas encore.
Renaissance: a film by Beyoncé au cinéma depuis le 1er décembre
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