La réalisatrice Michale Boganim livre un récit qui entremêle les souvenirs familiaux et ceux d’une population méprisée et discriminée.
“Mizrahim”, c’est le nom que donnent les Israéliens aux juifs venus d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, victimes de grandes discriminations dès leur arrivée sur la Terre promise. La cinéaste d’origine maroco-ukrainienne Michale Boganim, après un détour par la fiction avec La Terre outragée (sur les suites de la catastrophe nucléaire à Tchernobyl), revient au documentaire de mémoire.
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Cinéaste de l’exil, elle se fait ici la biographe épistolaire et endeuillée de son père qui faisait alors partie des Panthères noires, un mouvement de révolte né en 1971 contre le statut inférieur des juifs orientaux. S’ensuit un agencement de témoignages, jonction de monologues fleuves dont l’enjeu est de redonner à la parole déversée son pouvoir de restauration.
Réactiver une histoire mal préservée
Mélange d’archives, d’enquêtes et de portraits, le film restitue ainsi les souvenirs d’une frange méprisée de l’histoire, ces citoyen·nes de seconde zone envers qui une discrimination s’est méthodiquement déployée. Arrivé en bateau, ce peuple a débarqué plein d’espoir pour la Terre promise, ce pays nouveau “né d’une constellation de rêves souvent contradictoires”.
Le film prend ensuite bus et voitures, devient un road-movie dans les périphéries d’Israël, en marge des grandes villes cosmopolites, ces endroits sans foule et fantomatiques, de grands dortoirs témoins des exodes. Les plans de route traversent le pays, semblent chercher un point d’ancrage et entreprendre une quête sinueuse du passé : le chemin d’une géographe intime blessée.
On navigue alors à vue, comme après un blackout, plongé·es dans un épais nuage à la recherche de souvenirs à extirper via la rencontre de figures dispersées dans le territoire. Encore groggy, le récit semble émerger après un long évanouissement et tente de se redresser dans un lent mouvement de récupération, de réactiver une histoire mal préservée, fragile, et donc extrêmement précieuse.
Mizrahim, les oubliés de la Terre promise de Michale Boganim, en salles le 8 juin 2022.
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