Pour son second long-métrage réalisé en solo, le jeune réalisateur américain, David Bruckner orchestre un film d’horreur autour du deuil qui émeut autant qu’il glace le sang.
Avant d’être un imparable film d’épouvante, La Proie d’une ombre est un récit particulièrement poignant sur le deuil. Beth (Rebecca Hall) enterre son mari qui vient de se donner la mort, sans raison apparente. Elle retourne dans sa maison, vide, et puis la douleur, les regrets et surtout la colère de n’avoir aucune réponse. Ou presque. Pour seule explication un message lacunaire du défunt : “Tu as raison. Il n’y a rien. Rien après toi. Tu es en sécurité maintenant.”
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Dès ses premières minutes, La Proie d’une ombre traite avec beaucoup de sensibilité et de pudeur de la terrible absence de l’autre, simultanément mêlé à cette sensation tenace qu’il est là, devant elle, à l’observer. C’est aussi cette expérience aussi réconfortante que douloureuse fixée dans ces objets sordides du quotidien qu’elle ne voyait plus et qui désormais encapsulent et prolongent la présence de l’être aimé.
Sens dessus dessous
Tout en retenu, le film prend son temps, digresse même (un étrange et beau détour qui introduit un mystérieux personnage incarné par Stacy Martin) et opère une lente progression, du drame intimiste vers l’horreur, avec une économie de moyen et une capacité de suggestion remarquable. En plus de sa justesse psychologique, David Bruckner s’appuie sur un univers visuel riche et dense qui entrelace les mythologies coutumières du genre (les fantômes, les forces occultes et rites sataniques, le motif du double) à d’autres influences moins attendues, (un spectre figuré par une silhouette aux contours parfaitement dessinés qui rappelle les décalcomanies surréalistes de Magritte), souvent moins préoccupé par la peur, que par l’envie de convoquer une poésie fantastique pour saisir le monde de l’indicible.
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Renouveau du cinéma d’horreur américain
Si le film semble plus à l’aise pour poser des questions que pour y répondre, il ne loupera pas la périlleuse dernière marche de son récit en orchestrant un troisième acte à la plastique plus baroque (une dimension parallèle entre l’upside down de Stranger Things et le royaume des ombres du premier volet d’Insidious) en préservant toujours une science du dépouillement là où beaucoup auraient accumulé de façon automatique les couches d’effets grandiloquents.
Bien que cela soit prématuré (c’est le second film de son auteur, et le premier véritablement abouti), on fait le pari que David Bruckner va participer comme Ari Aster et Robert Eggers au renouveau du cinéma d’horreur américain. Prochaine étape pour le vérifier : un reboot de Hellraiser, la franchise SM et queer créée par Clive Barker. Excitant.
La Proie d’une ombre, de David Bruckner en salle le 15 septembre
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