À force de ne pas vouloir choisir, Jérémie Elkaïm réalise un premier film un peu décevant.
L’histoire est véridique : nous sommes en 2015 à Calais, et Béatrice Huret, 44 ans, est veuve d’un gendarme, aide-soignante, mère et adhérente du Front national depuis 20 ans. Un jour, par hasard, elle découvre la “jungle de Calais” ( jusqu’à 9 000 hommes, femmes et enfants désireux·euses de passer la Manche, entassé·es dans des conditions indignes), et y fait connaissance avec des bénévoles qui aident les migrant·es à survivre dans ce camp de misère.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop","device":"desktop"}
Et puis elle tombe amoureuse de Mokhtar, un professeur iranien qui, avec certains de ses compagnons, s’est cousu les lèvres pour protester contre la manière dont l’État français les traite. La vie de Béatrice bascule tout d’un coup, toutes ses valeurs, ses barrières s’écroulent devant l’amour et le désir et ses proches (famille, ami·es, collègues gendarmes de son défunt mari) n’y comprennent évidemment rien. Mais Mokhtar a depuis toujours un seul but : rejoindre sa sœur en Grande-Bretagne. Faisant fi des lois, Béatrice va tenter d’aider son amoureux à traverser la Manche sur un frêle esquif.
C’est Marina Foïs, qui avait été bouleversée par la lecture de Calais mon amour, le livre qu’avait publié en 2017 Béatrice Huret (co-écrit avec Catherine Siguret), qui a poussé Jérémie Elkaïm à adapter cette histoire au cinéma pour son premier film en tant que réalisateur.
Un film encore trop hésitant
Le résultat est un peu bancal, flottant, indécis. Le scénario et la mise en scène oscillent en permanence entre diverses manières de tracer le récit. Comme les soldats dans les vieux films de guerre quand ils pénètrent dans un champ de mines, on a un peu l’impression qu’Elkaïm, parti en éclaireur, tâtonne le terrain pas à pas avec pusillanimité, sondant la terre de la pointe de son couteau, et en oublie de regarder un peu au loin. Trop près du terrain, trop préoccupé par ce qu’il prend pour des bombes à éviter absolument (le sentimentalisme, la bienveillance pour les migrant·es, la leçon de morale aux racistes, etc.) qui ne sont que des pétards mouillés, son film manque de vision d’ensemble, d’un regard un peu distancié et surtout franc.
Et le récit se perd dans des récits secondaires qui reposent sûrement sur des faits réels mais n’apportent rien au récit principal, à l’instar du personnage joué par Laetitia Dosch, une sorte de journaliste engagée un peu déjantée qui s’avère être une squatteuse sans gêne. Comme s’il fallait contrebalancer la gentillesse et l’action des activistes honnêtes par les maladresses et les débordements des opportunistes.
À force de vouloir tout équilibrer, Ils sont vivants ne choisit pas et ne décolle jamais. Cette histoire, celle de Mokhtar et de Béatrice, demeure toujours leur histoire à eux et ne parvient jamais à être davantage qu’une histoire d’amour entre deux individus. Par ailleurs, les scènes de sexe, assez nombreuses, sont filmées de manière très convenues, plates et peu inspirées. Il n’y a sans doute rien de plus difficile que de réussir de telles scènes sans passer par une certaine stylisation. C’est au fond ce qui manque le plus à Ils sont vivants.
Ils sont vivants de Jérémie Elkaïm – en salle le 23 février
{"type":"Banniere-Basse","device":"desktop"}