Ce nouveau volet creuse encore davantage la veine du “whodunit” léché pour mieux en dynamiter les codes.
Au sein du néoboom hollywoodien du murder mystery, la franchise À couteaux tirés (2019) joue le rôle du petit génie ringardisant les vieux mastodontes. Là où les Hercule Poirot de Kenneth Branagh s’emploient à “valoriser le patrimoine” en le maquillant d’effets spéciaux sans le trahir, Rian Johnson a plutôt soin d’en faire éclater les lois, avec des intrigues très ouvragées qui se débarrassent sommairement du canevas Agatha Christie (exposition, meurtre, interrogatoires, révélation) dès le premier tiers pour consacrer le restant du film à explorer des ramifications inconnues.
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Manipuler les attentes
Deux choses marquent dans ce deuxième volet : d’abord, sa façon de reconnecter à son temps un genre traditionnellement très encapsulé en épousant les motifs d’un spectacle de la critique des élites fort en vogue dernièrement (la galerie de suspect·es évoque Don’t Look Up ou Sans filtre) ; ensuite, son commentaire tendre sur la retraite de Daniel Craig, que le film se plaît à confronter à des motifs totems de sa légende bondienne (bolide, gadgets…) comme à des jouets auxquels il n’a plus droit.
À l’arrivée, Johnson parvient à jouer très habilement avec la dimension archaïque et ingrate du genre (les personnages naïfs et cartoonesques sont souvent trompeurs) et prouve à nouveau – après son Star Wars 8 injustement mal aimé – son talent à manipuler les attentes au sein de canevas très codés qu’il fait mine de casser en mille morceaux pour mieux les reconstruire derrière.
Glass Onion de Rian Johnson, avec Daniel Craig, Janelle Monáe, Edward Norton (É.-U., 2022, 2 h 19). Sur Netflix le 23 décembre.
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