Ultime naufragé de l’univers DC tel qu’on le connaît depuis la sortie de “Man of Steel” en 2013 (et avant qu’il ne soit rebooté de fond en comble dès 2025 sous la houlette de James Gunn), “Aquaman et le Royaume perdu” est le symbole d’une industrie en grave crise existentielle.
Initié avec Man of Steel et sa mythologie ambitieuse en 2013, le DC Extended Universe (DCEU) s’achève aujourd’hui dans le déni avec Aquaman et le Royaume perdu, suite directe de l’opus le plus rentable de la franchise, et malgré tout chant du cygne anticipé de celle-ci. Voilà le dernier d’une longue série de paradoxes ayant, dès ses débuts, caractérisé cette saga définitivement ratée, qui se rêvait grande rivale du Marvel Cinematic Universe (MCU) de Disney, mais qui n’aura jamais su être davantage que l’éternelle suppléante, creusant année après année son retard au lieu de le rattraper.
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Succession quasi systématique de déceptions économiques et d’échecs critiques, le DCEU n’a jamais rencontré son public. Il aura d’abord tenté de le séduire avec des longs-métrages empreints de ténèbres nolaniennes (Batman v Superman, Wonder Woman), puis très vite de l’avoir à l’usure en empilant des objets pop et flashy calqués sur la tonalité mère d’une concurrence empilant les opus milliardaires (Birds of Prey, Aquaman, Shazam!, Black Adam).
Une quête d’attention aux airs de passage en force qui a logiquement mené à cette fin prématurée, laquelle démontre qu’au-delà du public, le DCEU ne s’est jamais trouvé lui-même, piégé entre désirs d’auteurisme et obligations industrielles. Ainsi, réalisé par James Wan, artisan-producteur ayant témoigné ces dernières années d’une solide propension au nanar d’auteur, Aquaman et le Royaume perdu était inéluctable.
Arthur (Jason Momoa) est donc désormais le papa d’Arthur Jr., et vit sa best life de roi d’Atlantide entre conseils politiques et drifts virils en moto sur la plage. Jusqu’à ce que revienne Black Manta (Yahya Abdul-Mateen II), armé du légendaire Trident noir, relique du royaume perdu de Necrus et réceptacle de l’esprit de son défunt roi maléfique, Kordax, bien décidé à réchauffer le climat de la Surface en se servant du Gouffre du diable.
Renoncements
Soumis à une logique spatiale de RPG de fantasy – le monde est un ensemble de “zones” à traverser (mer, désert, forêt tropicale, glacier, ruines antiques) – et dénué jusqu’au bout d’enjeux humains, Aquaman 2 n’est pas un film de super-héros. L’apparition lors de l’épilogue d’un immeuble en prise de vues réelles tient de la surprise, si ce n’est de la sidération ; soudain, le film se souvient qu’il se déroule sur Terre et non dans l’univers de Warcraft, dont il pille allègrement l’iconographie deux heures durant.
Disséminant par-ci par-là ce qui ressemble à des ébauches d’idées de mise en scène, James Wan feint de ne pas avoir renoncé lui aussi. L’élégante vélocité de son cinéma est absente de cet opus proprement répugnant sur le plan visuel, dont ne suinte que les changements de programme et les reshoots, lesquels ont sans doute servi à gommer le plus de dialogues possibles d’Amber Heard/Mera, reine consort d’Atlantide, quasi réduite au silence par le montage suite aux menaces de boycott de la horde de mascu-fans qui souhaitent sa mort.
Avec tout cela à l’esprit (en plus des derniers Marvel), on n’est pas tellement surpris de voir un cafard vivant s’inviter dans un cheeseburger lors de l’ultime scène post-générique du DCEU, instant d’une éloquence rare au cours duquel, consciemment ou inconsciemment, l’industrie du film de super-héros tout entière reconnaît que quelque chose ne tourne plus tout à fait rond dans ses bureaux.
Aquaman et le Royaume Perdu, de James Wan, avec Jason Momoa, Yahya Abdul-Mateen II, Patrick Wilson, Amber Heard. En salle le 20 décembre.
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