Dans son nouveau film, Philippe Lioret veut déjouer les clichés mais ne parvient pas à échapper à certains poncifs.
Avec 16 ans, Philippe Lioret déroge au célèbre adage rimbaldien qui voudrait qu’on ne soit pas sérieux quand on a 17 ans – ou du moins, il renverse le paradigme et rajeunit d’un an ses très sages protagonistes.
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À la manière d’un Roméo et Juliette réactualisé, le film met en scène la rencontre d’une fille et d’un garçon, lui bourgeois, elle issue d’une famille musulmane plus pauvre. Cependant, rien dans le film émanant de leur personne (langage, vêtements) ne vient inutilement les opposer ni ne signifie une infranchissable barrière de classe.
Lioret accorde, quitte à frôler le maniérisme, une grande clairvoyance et sagesse à Nora et Léo. Rien chez eux ne fait barrage à leur désir réciproque si ce n’est une querelle entre membres de leurs familles : un frère injustement viré par racisme ordinaire et un père et patron qui finira lui-même victime du grand capitalisme. L’accrochage d’abord révélateur des discriminations se transforme en un règlement de comptes puéril et viriliste.
Un film paradoxal
Là, 16 ans, qui s’était montré plutôt astucieux dans son inversion d’une ascension sociale (Léo, venu du privé, trouve sa place dans le collège public), se révèle caricatural, notamment dans sa façon de dépeindre le grand frère tyrannique. C’est bien là le paradoxe d’un film qui voudrait à la manière de ses personnages questionner les systèmes de représentations habituels et même s’en affranchir, mais en reproduit les schémas usés (l’orgueil et la violence des hommes, la discrétion des femmes) avec en excuse de légitimation cette forme de réserve sophistiquée qui voudrait nous faire croire à la nuance, cette délicatesse abusive qui se confond ici avec une neutralité de regard.
En matière de représentation justement, le film balaye le contemporain très vite, capturant quelques-uns de ses signaux comme pour valider son réalisme et son attache à l’époque (des militaires devant un lycée pour une époque post-attentats paranoïaque, Instagram…). Le film se trouve alors emprisonné par son propre discours, sa logique appliquée, incapable de faire jouer à ses personnages autre chose que des intentions plutôt que des états, incapable d’utiliser ses plans et ses répliques autrement que pour résoudre, comme le ferait un bon élève, des enjeux dépourvus de complexité et profondeur.
16 ans de Philippe Lioret, en salles le 4 janvier.
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