Toutes les angoisses apocalyptiques contemporaines brassées dans un film de genre quasi sans effets spéciaux : c’est « Avant que nous disparaissions » (Un Certain Regard), superbe retour au sommet de Kiyoshi Kurosawa
Des hurlements dans une maison dans laquelle on découvre ensuite une écolière les mains pleines de sang, auteure d’un carnage. Elle marche ensuite sur les routes, indifférente aux accidents qu’elle provoque. C’est le début fulgurant du nouveau film de Kurosawa. Revêtant le genre fantastique (envahisseurs, épidémies…), le prolifique auteur brasse toutes nos angoisses du moment, du terrorisme à la guerre planétaire avec possible fin de l’humanité à l’horizon proche – angoisses universelles certes, mais peut-être encore plus ultrasensibles au Japon, pays qui a quand même connu Hiroshima et Fukushima.
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Les extraterrestres ont ici forme humaine et leur superpouvoir consiste à dérober aux humains une part de leur psychisme d’une simple touche de doigt. Par cette opération, l’alien acquiert un peu d’humanité alors que le terrien (ou la terrienne) perd des briques de sa structure mentale. Superbe idée qui transforme les personnages en schizophrènes, en psychotiques, en handicapés affectifs et autres troubles de la personnalité, et qui permet surtout à Kurosawa de mêler fantastique et quotidien intimiste, film d’aliens et film de couple.
Le récit s’attache particulièrement à deux binômes, un journaliste (humain) qui se lie d’amitié avec un jeune homme (non humain) et un couple dont le mari est en fait un alien. Ce qui donne des échanges savoureux du style « là, on fait des repérages sur vous les humains avant notre grande invasion où on va tous vous exterminer… – ah ouais, c’est ça, prend-moi pour un con« . Kurosawa adopte le même principe que Godard dans Alphaville, soit créer une dystopie en filmant des lieux réels banals sans le moindre recours aux effets spéciaux – du moins jusqu’aux dix dernières minutes un peu plus pyrotechniques. Après le ratage de son film français (Le Secret de la chambre noire), Kurosawa prouve de nouveau sa maîtrise du cinéma de genre et son talent de pur cinéaste qui lui permet de secréter l’anxiété avec une belle économie de moyens.
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