Les vicissitudes d’un Français qui, travesti, se prostitue au Cambodge. Un sombre regard sur le monde qui évite les écueils du pathos.
Rien d’affriolant sur le principe : le film raconte l’histoire d’un Français qui vit dans les faubourgs de Phnom Penh, au Cambodge. Quel âge a-t-il ? 50 ans ? Impossible de le dire. Travesti, il se prostitue sous le nom de Miranda, boit, se drogue. Il vit avec un jeune Cambodgien, Viri, à qui il reproche de dépenser tout son argent, et dont il souhaiterait se débarrasser sans y parvenir véritablement.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Quand Viri est retrouvé mort (sans doute un règlement de comptes entre trafiquants de drogue – on ne comprend pas toujours tout, dans Avant l’aurore, et c’est ce qui participe aussi de sa bizarrerie et donc de sa beauté), Miranda s’écroule, se rase le crâne en signe de deuil. Et puis une petite fille lui tombe dessus par hasard (quel âge a-t-elle ? 10 ans), Panna, qui ne parle pas français. Mais il ne veut pas d’elle. Il s’aperçoit qu’elle aussi se prostitue, avec des Occidentaux qui ont sans doute cinq fois son âge. Mais Miranda s’en fiche. Enfin, il fait comme si (que pense-t-il ?).
Sexualité glauque (dès le premier plan, Miranda fait une fellation à un autre homme dans une cuisine de restaurant), misère et malheur des enfants pauvres, maltraités, vendus, violés… Avant l’aurore, c’est le moins qu’on puisse dire, ne donne pas une vision très optimiste de notre monde, de notre époque. Mais sait créer aussi du mystère, du romanesque, sur fond historique, à travers des ambiances moites où une femme française, amie de Miranda, recherche un ancien tortionnaire khmer rouge qui se cache, et rencontre dans ce but des trafiquants de pierres précieuses inquiétants…
Et puis, le corps à la fois fatigué et fascinant de l’acteur principal, David D’Ingéo (il jouait un petit rôle dans Le Fantôme de l’opéra de Dario Argento, en 1999), crée lui aussi de l’étrange. D’où vient Miranda, qu’a-t-il vécu ? Son corps semble porter les cicatrices de tous les coups du monde. D’où son apparente indifférence aux cris de Panna quand elle se laisse violer pour de l’argent ?
C’est pourtant, là aussi, ce qui va les rapprocher : leur identité de destin. Sans que jamais son film ne tombe ni dans le pathos ni dans le romantisme exotique, Nathan Nicholovitch ne se perd jamais dans des explications psychologiques inutiles et compte sur le cinéma, le spectateur et la lenteur scandée de son filmage pour que chacun devine ce qui se joue, ce qui se passe. Il a raison.
Avant l’aurore de Nathan Nicholovitch (Fr., 2018, 1 h 45)
{"type":"Banniere-Basse"}