Autour d’un meurtre d’enfant, un polar âcre assez touchant.
Il y a de quoi se perdre un peu dans la façon qu’a ce polar de désaxer sans cesse sa chronologie. L’élucidation d’un meurtre, dont la victime se trouve être la fille d’une des enquêtrices, échoue une première fois pour des raisons crapoteuses (le coupable présumé est un indic précieux dans la lutte antiterroriste, en pleine parano post-11 Septembre) avant de reprendre dix ans plus tard, sous l’impulsion de la même bande d’amis flics désireux d’en finir avec ce drame dont ils n’ont jamais cessé de porter la cicatrice.
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Le réalisateur, Billy Ray, rebondit constamment d’une époque à l’autre, au point de friser la confusion, laissant en tout cas l’impression d’une sorte d’enlisement, de démarrage impossible du récit, avec même une certaine frustration lorsque l’enquête – et avec elle le traumatisme, dont on comprend vite qu’il restera indénouable quelle que soit l’issue – vient dans les deux parties se heurter aux mêmes obstacles bureaucratiques.
Un film du vieillissement
Mais la qualité d’Aux yeux de tous est ailleurs : du côté d’une sorte d’examen du regret et de la rancœur, mauvaises herbes poussant dans les décombres de destins foudroyés par un drame absurde. L’espèce d’extinction qui frappe tous les personnages, comme une épidémie, est peut-être même le vrai sujet de ce film du vieillissement, de la déliquescence physique et morale : celle de Julia Roberts, qui s’engouffre dans une partition à la limite du misérabilisme ; celle encore de la love story non consommée entre Chiwetel Ejiofor et Nicole Kidman, dont le film reconstitue les épisodes comme autant de rendez-vous annulés par la fatalité.
Ces deux facettes de chaque personnage, deux âges mais aussi bien sûr deux états de l’être, forgent la dialectique du film, qui d’une époque à l’autre ne cesse de rejouer l’inéluctable transformation de la force en fatigue, de la persévérance en acharnement aveugle, et livre un drame sauvagement pessimiste.
Aux yeux de tous de Billy Ray (E.-U., 2015, 1h 51)
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