Huit ans après l’interruption de la série, les outrancières Patsy et Eddy ont rempilé pour trois épisodes. Que reste-t-il de leur génie ?
La vague des come-back et autres reformations semblait réservée aux stars de la musique en panne de cash ou trop occupées à dégonfler involontairement leur propre mythologie. Il semblerait que les séries n’échappent plus au syndrome Rolling Stones, même si c’est encore par petites touches. Heureusement, personne n’a encore eu l’idée géniale de dire oui à une reformation intégrale de la bande d’ex-trentenaires de Friends. Par contre, les deux copines dépravées d’Absolutely Fabulous ne se sont pas gênées. Il faut dire qu’elles ne se gênent jamais. Arrivent sur nos écrans trois épisodes inédits diffusés en Angleterre entre Noël dernier et le mois de juillet, après une interruption de sept ans qui a longtemps paru définitive.
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Rembobinons pour ceux qui n’ont jamais entendu parler de ce pilier des comédies modernes. Ab Fab, c’est son petit surnom, a été diffusée pour la première fois sur la BBC en 1992 et créée par Jennifer Saunders (Eddy dans la série), ancienne moitié du duo comique de French and Saunders, cette fois affublée d’une autre partenaire, Joanna Lumley.
Un rendez-vous politique et hilarant
Les deux personnages principaux, la semi-brune aux répliques assassines (Eddy) et son amie blonde extravagante (Patsy), ont acquis un statut immédiat dans la culture pop, pour le mélange inédit qu’elles proposaient entre le nonsense british et une satire précise et inspirée du monde de la mode. À coups de champagne et de clopes enchaînées, de tenues bariolées et de racisme anti-ploucs, Ab Fab régnait sur l’univers des sitcoms et s’imposait comme un rendez-vous politique et hilarant, très gay friendly et plein d’autoparodie.
Après une première longue pause entre 1996 et 2001, puis un retour en 2004, Eddy et Patsy auraient pu quitter la scène en pleine gloire. Mais que seraient-elles sans un écrin pour continuer à faire de leur vie une oeuvre d’art ? Disons le d’emblée, les trois nouveaux épisodes sont plaisants mais inégaux, les deux premiers étant supérieurs au troisième, qui se déroule juste avant les Jeux olympiques et rame parfois sévèrement.
Des épisodes un peu datés
La sensation dominante est celle d’un flash-back pur et simple. Si les intrigues et les références culturelles sont adaptées aux années 2010, Ab Fab n’a pas bougé d’un pouce dans son contenu et son style alors que le monde, lui, a fini par ressembler à l’océan de superficialité comique que décrit la série depuis vingt ans. D’avant-gardiste, Ab Fab est devenue simplement contemporaine, voire légèrement datée.
La fille coincée d’Eddy est toujours là avec ses lunettes, sa mère foldingue aussi. Chaque plan pourrait avoir été tourné indifféremment dans les années 90 ou aujourd’hui. Alors que les comédies, notamment anglaises, ont entamé leur mue depuis le triomphe de The Office (2001-2003) et de son style « mockumentaire », Jennifer Saunders a décidé que sa création ne changerait jamais. C’est paresseux mais intelligent. L’actrice/scénariste préfère se concentrer sur ce qui a objectivement changé à ses yeux : son corps et celui de sa partenaire. Elle a désormais 58 ans et Joanna Lumley huit de plus.
Ab Fab nouvelle manière regorge de blagues sur les soucis de poids d’Eddy ( » Oui, j’ai doublé de volume » est une de ses premières répliques) tandis que Patsy est gratifiée de plusieurs allusions violentes à des problèmes d’incontinence. Le meilleur moment est celui où cette dernière découvre horrifiée sa vraie date de naissance en allant réclamer le paiement de sa retraite. À cet instant précis, la série retrouve son imparable génie. Et donne plutôt envie de voir le film actuellement en préparation.
Olivier Joyard
Absolutely Fabulous épisodes Une identité, Un job et Aux Jeux olympiques. Vendredi 2 novembre, 20 h 45, Comédie+ (VM)
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