Avec une grande délicatesse, Xavier Gayan filme la vie du Clémenceau, un bar-tabac où se retrouvent gratteurs de FDJ et amateurs d’anis.
Après Atlantic Bar sorti en mars dernier, c’est au tour d’Au Clémenceau d’investir l’intérieur d’un troquet. Sur le comptoir en tôle, un petit présentoir de la Française des jeux : “Métro, Bistrot, Magot”. Ce pourrait être la devise du Clémenceau, bar PMU de Saint-Raphaël qui accueille ses client·es, comme “sa famille”.
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Cette proximité entre tenancier et consommateurs prend ici une forme brute, caméra à l’épaule, coincée dans un ultra huis clos entre tickets à gratter, paquets de clopes et bout de zinc. S’il y a quelques brèves de comptoir bien senties, le film ne se pose pas réellement à ce niveau de délicieuse potacherie. Il creuse un peu plus bas, en isolant les habitués face caméra pour en tracer des esquisses au parcours souvent chaotique.
Éviter le trop-plein
Au Clémenceau est ainsi d’abord du côté des clients du bar, de ses gueules cassées, ses stars, ses seconds rôles et ses silhouettes. Ses fous, ses vieux, ses clodos, ses schizophrènes, ses amoureux malades, ses repris de justice, ses étudiants orphelins. Et quand le film passe quelques fois de l’autre côté, c’est en dehors du bar, pour saisir le témoignage du patron et surtout celui, laconique, précis, émouvant, de sa fille, Neige, qui a officié 13 ans derrière le comptoir avant de s’en aller, rincée comme jamais. “Je commençais à me blinder et je n’avais pas envie de ça”. C’est le paradoxe fondamental des barmans, de s’effacer petit à petit, de trop absorber. Tanker, à en devenir un être de parade pour éviter le trop-plein. De laisser trop de soi aux portes du bistrot avant de monter sur l’estrade comme on monte sur scène. Y laisser également la politique, comme ils aiment à le répéter, juste là, sur le trottoir.
Et pourtant, s’il y a bien un lieu où elle continue de s’y engouffrer aussi puissamment, c’est bien dans les bars-tabac du pays. Sur une scène qui radote un peu certes, par manque de lucidité parfois. Mais qu’on chante en canon ou qu’on boive, les gratteurs de la FDJ et les avaleurs d’anis forment ici des pulsations cosmiques d’une redoutable beauté.
Au Clémenceau de Xavier Gayan en salle le 27 septembre
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