Le nouveau Romain Gavras sort sur Netflix : beaucoup de crânerie dans cette esthétisation complaisante de “la banlieue qui s’embrase”.
Avant même de sortir sur Netflix, Athena a déjà, par un simple teaser, ulcéré la fachosphère en donnant directement corps à son cauchemar, qui est aussi son fantasme : un gigantesque rodéo urbain cerclant un fourgon de police volé, débordant de jeunes Noirs et Arabes exaltés par la vitesse, les cris, la rébellion et les fumigènes. La controverse déclenchée par cet impressionnant plan-séquence cristallise un moment de vide intellectuel abyssal : une “polémique” clé en main, offerte à des adversaires désigné·es qui ne regarderont même pas un film qui ne sait pas lui-même ce qu’il dit – mais il y a une jolie image, alors pourquoi réfléchir ?
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Le film, lui, voudrait donner au chaos couvant dans les banlieues françaises une forme épique, mythologisée, à travers le récit volontairement très simple d’un jeune tué par la police et dont le frère, puis le quartier, puis bientôt tous ses voisins d’Île-de-France venus prêter main-forte (scène grotesque et sentencieuse où les cités répondent une à une à l’appel façon Gangs of New York : “La Courneuve sera là”, “Et Les Tarterêts !”, etc.) s’engagent dans un bras de fer vengeur contre l’État français.
Libido
Si Gavras revendique de se placer sous l’égide de la tragédie antique (rien que ça), il a en réalité plus à voir avec l’imagerie des pubs de paris en ligne qu’avec une quelconque tradition dramatique d’ancienne noblesse. Car sa pulsion créative première n’a rien de cathartique : c’est simplement un geste de libido. Cette violence, cette guerre civile, cette plongée des tensions banlieusardes dans le conflit ouvert et militarisé, le film arrive très mal à cacher à quel point il les désire.
Tout ce qui le préoccupe, c’est de rendre tout ça encore plus beau, encore plus désirable : tout le monde, à chaque plan, prend la pose, comme si quelqu’un allait prendre une photo de groupe ou un plan au drone. À la fin du shooting, pardon du film, un twist minable s’occupe de remettre prudemment la balle au centre – et achève ainsi de démontrer l’inanité et la lâcheté politique de ce faux brûlot tapageur.
Athena de Romain Gavras, avec Dali Benssalah, Sami Slimane, Anthony Bajon (Fr., 2022, 1 h 37). Sur Netflix le 23 septembre.
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