On a souvent traité Billy Wilder de cynique. On a dit de lui que c’était un grand scénariste et un metteur en scène moyen. Toutes choses qu’Ariane vient démentir avec brio. Ariane n’est sans doute pas le film le plus complexe de Wilder, mais cette comédie sentimentale est très probablement son film le plus enjoué, […]
On a souvent traité Billy Wilder de cynique. On a dit de lui que c’était un grand scénariste et un metteur en scène moyen. Toutes choses qu’Ariane vient démentir avec brio. Ariane n’est sans doute pas le film le plus complexe de Wilder, mais cette comédie sentimentale est très probablement son film le plus enjoué, le plus maîtrisé, le plus proche des scénarios qu’il écrivait à la fin des années 30 pour Leisen ou Lubitsch. Tout comme La Baronne de minuit ou Ninotchka, l’action se passe à Paris, la ville de l’amour, comme le rappelle avec gaieté le générique, succession de tableaux de couples se bécotant. C’est aussi une ville de passage pour les riches Américains pressés comme Flannagan (un Gary Cooper pour le moins flegmatique mais toujours aussi grand : 1,90 m), playboy ridé qui accumule les conquêtes sans passion, juste comme ça, pour faire quelque chose. Il est pris en chasse dans ses déplacements amoureux par un détective privé très parisien (Maurice Chevalier, dans l’un de ses meilleurs rôles, le plus retenu en tout cas) dont la fille (Audrey Hepburn, délicieusement juvénile) va tomber amoureuse de lui et tenter de le conquérir en s’inventant des milliers d’amants (vingt et un en fait). Comme souvent chez Wilder, c’est de mensonge qu’il s’agit, mais d’un mensonge sans cynisme, qui permet à Ariane de livrer bataille à armes égales avec l’homme qu’elle désire. Ce mensonge prend progressivement des proportions hallucinantes avant de s’effondrer sur un quai de gare dans une dernière scène sublime de lyrisme, rythmée par des violons romantiques. Le Paris de Wilder et de Trauner est nocturne et intérieur (une chambre du Ritz, l’appart du détective, l’Opéra, le hammam), et Cooper est le plus souvent filmé dans la pénombre, comme pour masquer la différence d’âge avec Hepburn. Le film, rythmé par des chansons, des dialogues incisifs et des gags à répétition (les musiciens tziganes qui suivent Flannagan comme son ombre, le violoncelle d’Ariane), fait alterner les scènes de comédie pure (le mari trompé) et les scènes de couples (le magnifique entracte de Tristan et Yseult à l’Opéra, filmé au téléobjectif) tout en permettant au metteur en scène d’imposer une nouvelle fois sa vision de l’Europe comme territoire civilisé, ancien, celui où les Américains viennent redécouvrir leur humanité, laissent apparaître leurs faiblesses et leur fragilité.
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