Révélée par Divines en 2016, la cinéaste Houda Benyamina a été sollicitée par Damien Chazelle pour réaliser deux épisodes de The Eddy. Et faire entrer dans le cadre une banlieue parisienne métissée, loin des clichés.
Dans la liste paritaire des réalisateur·trices de The Eddy – deux épisodes chacun·e –, le nom de Houda Benyamina trône aux côtés de ceux de Damien Chazelle, Laïla Marrakchi et Alan Poul. La cinéaste de Divines, auréolée de la Caméra d’or cannoise en 2016 et du César du meilleur premier film l’année suivante, a été recrutée par Jimmy Desmarais (ancien producteur devenu cadre chez Netflix en France) et a travaillé en proche collaboration avec Damien Chazelle en réalisant les épisodes 3 et 4.
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“C’était passionnant car Damien savait exactement ce qu’il voulait. Il m’a parlé de Killer of Sheep, le film de Charles Burnett, de Claire Denis ou encore de Bande à part de Godard, toutes ses influences.”
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Déjà autrice d’un pilote pour la télé américaine, Benyamina a trouvé dans les méthodes de travail développées sur cette série une tout autre liberté. “Déjà, il n’y avait pas de showrunner sur The Eddy, ce qui change complètement le travail de réalisation. Nous pouvions retravailler les dialogues et improviser des scènes. Cela reste la série de Damien Chazelle, car il a été une sorte de mère porteuse sur les intentions, mais chaque individualité a pu s’exprimer. Ils ne seraient pas venus me chercher s’ils voulaient une technicienne.”
Benyamina a suggéré certains choix de casting et guidé la production à travers la réalité de la région parisienne métissée. “Comme on a tourné en cité, j’ai fait visiter pas mal de lieux à Damien, on est par exemple allé boire des verres dans un bar à chicha à La Grande Borne (Grigny). Il avait cette volonté de ne pas être dans des archétypes.” Une volonté qui se retrouve sublimée dans l’un des meilleurs épisodes de la série, le troisième, que Benyamina consacre dans sa longueur à un rite funéraire musulman.
“J’ai pas mal étudié la façon dont la mort est gérée par les familles. Tout le monde ne le fait pas de la même façon chez les chrétiens, les juifs et les musulmans. J’ai parfois filmé quarante minutes à la suite avec deux caméras, pour que les acteurs et actrices s’abandonnent. C’est ce qui est arrivé.” Un peu plus tard dans le même épisode se dessine une séquence musicale proche de la transe, vrai morceau de bravoure de plusieurs minutes dont on n’a pas l’habitude dans les séries dramatiques de cette ampleur – l’esprit “indé” se trouve souvent réservé aux comédies existentielles en format 30 minutes comme Atlanta.
“On doit encore se poser des questions sur l’ancien monde et le nouveau”
Alors qu’elle est en cours d’écriture de son deuxième film, Benyamina voit son expérience sur The Eddy comme un bain d’air frais. “La culture paritaire et pro-minorités que soutient Netflix est connectée avec la France d’aujourd’hui. Ils ont même décidé de soutenir l’association Mille Visages que j’ai créée en 2006 pour l’insertion des jeunes de quartier. C’est presque la marche de l’histoire qui l’impose. La France qu’on a connue il y a dix ans a tellement changé…
Mais dans les institutions, c’est différent. Par exemple, Ladj Ly n’a pas eu l’apport du CNC pour Les Misérables. On doit encore se poser des questions sur l’ancien monde et le nouveau. Après le succès de mon premier long métrage, j’ai rencontré tous les patrons de studio aux Etats-Unis. En France, on n’a pas cette ouverture.”
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