Après « Cemetery of Splendour », le réalisateur serait prêt à tourner son prochain film en Colombie, dû à la pression exercée par la censure de la junte thaïlandaise.
Il avait fait dernièrement escale en France à l’occasion du passage au théâtre Nanterre-Amandiers à l’automne dernier de son installation Fever Room, créatrice de visions célestes qui opérait comme révélateur des spectres errant alentour : le cinéaste thaïlandais Apichatpong Weerasethakul vient de partager au Hollywood Reporter sa volonté de tourner son prochain film en Colombie.
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La censure comme moteur
Alors que sa filmographie restait jusqu’alors ancrée dans les creux du paysage thaïlandais, le cinéaste a évoqué son envie de s’enquérir de nouveaux lieux – qui restent parallèlement les mêmes dans leur essence, à savoir la torpeur qui anime les jungles moites.
La situation politique de la Thaïlande, menée par la junte militaire depuis 2014, a une influence néfaste sur le développement de projets artistiques que déplore le Weerasethakul: « On ne peut représenter la réalité car nous sommes sous le contrôle du gouvernement qui, lui, voit les films comme de la propagande ». Il cite l’exemple de deux performeurs qui ont été emprisonnés pendant deux ans car les autorités avaient lu dans leur travail une critique de la monarchie: « On se retrouve comme dans 1984« .
Même si la censure exerce une pression importante sur la production artistique locale depuis un certain temps, et ce déjà avant la prise de pouvoir des militaires, cette nouvelle déstabilisation a rendu troubles les conditions de travail et de liberté de création.
La jungle colombienne fantasmée
Le cinéaste a donc décidé de se tourner vers l’étranger, qui résonne pourtant familièrement à ses oreilles: « Lorsque j’étais enfant, j’adorais les histoires d’aventures qui prennent place en Thaïlande, les animaux de la jungle et ce genre de choses. Mais quand tu regardes d’où ça vient, c’est la colonisation par les Européens et les Américains et leurs histoires romancées de la jungle amazonienne qui ont influencées le peuple et les auteurs thaïlandais. Puis le cinéma a été lui-même influencé par cette vision fantasmée de la jungle ».
Un voyage de deux mois à travers la Colombie s’est donc amorcé, pour des recherches qui nourriront son prochain film, qu’il espère également pouvoir tourner sur place. Le passé du pays, territoires colonisés par les Espagnols au XVe et XVIe siècle, et luttes internes et sanglantes plus récentes, permettrait à Apichatpong Weerasethakul de dresser un parallèle avec la situation de son pays, bien qu’il ait conscience de la nature de son regard: J’imagine qu’il est impossible de faire un film authentiquement local. Je ne crois pas pouvoir faire cela, il s’agira donc d’un regard étranger et observateur ».
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