Avez-vous été élevé dans un environnement culturel ? Chez moi, il n’y avait pas la télévision, mais beaucoup de livres. C’est sans doute pour ça que je suis devenu marchand de livres. Il n’y avait quasiment pas de musique. Seulement des disques des Frères Jacques. Donc mes premiers souvenirs de concert, ce sont les Frères […]
Avez-vous été élevé dans un environnement culturel ?
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Chez moi, il n’y avait pas la télévision, mais beaucoup de livres. C’est sans doute pour ça que je suis devenu marchand de livres. Il n’y avait quasiment pas de musique. Seulement des disques des Frères Jacques. Donc mes premiers souvenirs de concert, ce sont les Frères Jacques : j’ai adoré. Mes parents ne s’intéressaient pas à la peinture. Je regrette parce que je n’ai pas été fichu de faire cette démarche moi-même.
Et après les Frères Jacques ?
J’ai essayé de me mettre au jazz-rock, mais ça ne marchait pas du tout. En revanche, pour le mouvement punk, là j’étais prêt. J’avais 17 ans en 1977 et Philippe Garnier a eu alors une influence considérable.
A l’époque, il écrivait dans Rock & Folk. J’ai rencontré depuis des tas de gens qui ont vécu la même chose : ils guettaient la sortie du journal, et tout ce que disait Garnier avait une valeur folle. S’il parlait d’un groupe, aussitôt on savait qu’on allait aimer, avant même d’avoir écouté une note. Je me souviens du premier dossier sur les Cramps, durant l’été 79, il y avait trois ou quatre pages de photos. Avec mon frère, on regardait ça et on se disait : c’est notre groupe ! Il m’a fait connaître les Dogs qui est devenu mon groupe préféré. Le jour où j’ai offert un verre au chanteur des Dogs, au Rose Bonbon, ça a été un grand moment pour moi. Il m’a dit « Tu aimes la musique, tu devrais en faire… »
Et vous en avez fait ?
J’ai fait un groupe, oui, mais j’avais l’impression que c’était trop tard. Là, je m’étais mis à écouter beaucoup de rhythm’n’blues, beaucoup de soul, du rock du début des années 80, les compilations Nuggets : on voulait faire un truc dans cet esprit-là. C’est ainsi que sont nés les Spanish Meatballs en 1983 : ça a duré six/sept ans. On tournait pas mal. A l’époque, le groupe sublime pour nous, c’était les Coronados. Je me souviens d’un squat à Sèvres tenu par des gens qui s’appelaient les Joints De Culasse, qui venaient de se rebaptiser en Hot Pants et qui allaient finalement s’appeler La Mano Negra. Il y avait aussi les Wampas. Moi, j’écrivais les paroles et j’étais aussi bassiste. C’était des sensations formidables, surtout monter sur scène. Mais s’il n’y avait pas eu le punk avant nous, on n’aurait jamais osé faire de la musique. C’était plus une question d’énergie que de perfection.
Quel est le premier disque que vous ayez acheté ?
Vous voulez la vérité ? J’ai usé un 33t de Michel Sardou jusqu’à la trame. Je ne comprends pas bien aujourd’hui, mais je trouvais ça sublime. En 1974, ce disque m’avait coûté 37,50 f, ce qui était beaucoup. Je me souviens que mon voisin, qui n’écoutait que les Stones, me disait que c’était la honte. Et moi, je répondais « Tu dis ça parce que tu ne l’as pas écouté ! »
Votre père avait beaucoup de livres : vous-même vous lisiez ?
Oui, frénétiquement. J’avais trouvé la série Rocambole de Ponson du Terrail : une somme énorme, populaire, xixe, captivante, et surtout interminable, donc géniale. Et puis Fantômas, Les Misérables, Arsène Lupin… Plutôt les pavés qui durent. Après, au lycée, je me rappelle avoir lu Les Signes de piste… J’ai été scout d’ailleurs : ça, je l’avoue aujourd’hui, mais durant des années c’était la honte. Pareil pour le foot : c’était la honte alors que maintenant c’est presque la honte de ne pas aimer, ce que je trouve largement aussi con. Pour revenir aux livres, j’ai commencé à traîner au marché aux puces, et à acheter des tas de bouquins. J’entassais. Je m’étais notamment constitué une bibliothèque de bouquins de philo. Je ne les lisais pas, mais je trouvais ça assez chic. Et puis ça me rassurait aussi, je me disais que je les lirais plus tard. Et comme à ce moment-là, s’est posée la question du métier, mon frère et moi avons décidé de devenir bouquinistes sur les quais et aux puces. Là, on s’est aperçu qu’on pouvait gagner notre vie. Et bien même. Racheter des bibliothèques, c’est toujours quelque chose d’assez émouvant. On a les albums photos, les carnets. C’est très intime. On voit le parcours des gens. On sent, par exemple, des parcours tragiques, ou une quête.
Et vos premiers souvenirs de cinéma ?
Des souvenirs très forts parce qu’on n’avait pas la télé. Ça a commencé avec des films américains à grand spectacle autorisés aux enfants, comme La Grande Evasion, Ben Hur, Ouragan sur le Caine, etc. Plus tard, je suis allé à la Cinémathèque de Chaillot, compulsivement là aussi. J’ai vu Bande à part de Godard un nombre incalculable de fois. J’étais fasciné par Jean-Pierre Léaud. Après, je suis allé voir Rue Fontaine de Philippe Garrel parce que j’aimais Léaud. Et puis dans le même programme, il y avait Liberté la nuit : j’ai adoré. Et ainsi de suite. Le samedi matin, il y avait des cours donnés par Jean Rouch : j’y allais en auditeur libre. C’était passionnant : sa façon de parler du cinéma ouvrait d’autres perspectives. Mais ce qui était marrant avec la Cinémathèque, c’était d’y aller au pif. Ça coûtait 5 f la séance. Je me souviens d’un cycle génial de documentaires italiens sur la psychiatrie, l’antipsychiatrie… Et de la découverte de l’intégrale Gérard Blain : un choc. Mais pendant tout ce temps-là, je ne m’imaginais pas du tout dans le cinéma. Jusqu’au jour où Patrick Grandperret m’a proposé de jouer dans Mona et moi…
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