A l’initiative d’une tribune défendant les travailleurs et travailleuses de la culture menacés de cessation d’activité, l’actrice voit dans les mesures annoncées ce mercredi pour des signaux encourageants. Mais les zones d’ombre subsistent…
Quelle est votre impression générale suite à la conférence de ce midi ? Y a-t-il un pilote dans l’avion ?
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Il y a un motif de satisfaction sur le temps de réaction. On peut s’estimer heureux par rapport à nos amis italiens, ou d’autres pays, où les artistes interpellent également les pouvoirs publics et ont fait face à un silence. A chaud, on est content que l’Etat prenne le taureau par les cornes. A l’origine de la tribune parue la semaine dernière, il y a essentiellement des gens de cinéma. Des représentants d’autres disciplines, dans la danse, la musique, la littérature, les arts plastiques, commencent aussi à faire corps avec nous et il semblerait qu’il y ait de leur côté des manques de réponse encore importants. Les pouvoirs publics répondent essentiellement au cinéma et au théâtre pour l’instant.
La principale attente exprimée par votre tribune – le prolongement d’un an des droits des intermittents – a été satisfaite. Est-ce un soulagement total ?
On se réjouit que le principe ait été prononcé. On peut encore se demander ce que le Président entend par là, et on ne le saura que quand Muriel Pénicaud et Franck Riester auront détaillé ce qu’il a voulu dire, c’est-à-dire quand la circulaire d’application sera rédigée, car le diable est dans les détails. On parle de prolongation jusqu’en août 2021. Si c’est la prolongation des droits jusqu’en août 2021, ça ne suffit pas à sauver une grande partie des gens. Si c’est le renouvellement de toutes les dates anniversaires qui sont entre maintenant et août 2021, alors ça va.
Vous avez tiré la sonnette d’alarme à propos des travailleurs en contrat court échappant au régime de l’intermittence. Il n’y a pas encore d’annonce à leur sujet. Est-ce une inquiétude ?
C’est notre grande, grande inquiétude. Il semblerait que ni Pénicaud, ni Riester, ni Le Maire n’aient parlé spécifiquement de tous ces milliers, peut-être millions de gens qui sont au bord du précipice. Sur cette urgence encore plus cruciale que les autres urgences, il n’y aurait pas eu un mot de prononcé. On avait demandé le gel du capital de jours indemnisés des travailleurs intérimaires et saisonniers jusqu’à ce qu’ils puissent reprendre le travail. Il n’y a rien. On s’inquiète aussi pour les travailleurs payés en honoraires : attachés de presse, designers d’affiches, etc.
Peut-on espérer que ces cas soient traités, mais séparément du champ culturel ?
Peut-être, mais c’est justement ce que nous refusons : qu’ils soient considérés comme n’en faisant pas partie. Ils contribuent tout autant que nous à la vie culturelle.
Le Président a annoncé une avalanche de leviers d’indemnisations, destinés à des acteurs très variés (salles, associations, producteurs…) et mobilisant des ressources tout aussi variées (Banque Publique d’Investissement, régions, partenaires privés et notamment assureurs…). Vous satisfont-elles ? Quelles sont les zones d’ombre ?
Le principe de ces indemnisations, avec la mise en place de plusieurs fonds de solidarité et d’accompagnement, est encourageant. Après, on attend évidemment d’en savoir plus sur les montants. Par rapport aux assurances, on attend par ailleurs de voir comment se développent les discussions pour débloquer les sommes, car on sait que la difficulté est en réalité que pour l’instant aucun assureur n’accepte. Espérons que les pouvoirs publics déploieront la plus grande énergie possible pour organiser ça. On prend acte de l’intention, qui est bonne.
Comment imaginez-vous la place encore assez floue que les pouvoirs publics semblent vouloir donner aux artistes dans les écoles ? N’est-ce pas un peu farfelu ?
Cela a pu étonner, en effet, mais on trouve tout à fait légitime que le Président fasse le lien entre la vie culturelle et l’éducation populaire, parce que c’est une tradition française depuis Malraux et qu’on y est attachés. Mais il faut justement rappeler que ce travail d’accompagnement culturel de la vie scolaire et des enfants, toutes les compagnies et toutes les structures de théâtre le font, depuis des années, mais les crédits qui leur sont alloués pour ça n’ont cessé de fondre depuis dix ans. Elles seront peut-être ravies de le reprendre, car il est essentiel, mais cela devrait être l’occasion de retrouver des fonds de fonctionnement qui permettent de réellement l’effectuer.
Emmanuel Macron annonce un grand programme de commandes publiques à destination notamment des artistes de moins de 30 ans. Était-ce attendu ? Est-ce adapté à la situation ?
Ce n’est pas tant que ça une surprise, car nous savons qu’il avait consulté Jack Lang, qui avait lui-même porté la semaine dernière cette proposition, dans son texte en faveur d’un « new deal culturel » inspiré des politiques de Roosevelt après la crise de 1929. Si l’État veut passer des commandes, très bien. Toutes les bonnes volontés sont bienvenues…
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