Ce programme réactualise l’ancienne tradition des ateliers de grands peintres où les apprentis, sous l’autorité du maître, copiaient son style. Le maître en question n’est autre qu’Eric Rohmer et les auteurs de ces petits films, dont il signe le cadre, ont été ses chefs-opérateurs, assistants et comédiens. Il n’est pas impossible que les historiens du […]
Ce programme réactualise l’ancienne tradition des ateliers de grands peintres où les apprentis, sous l’autorité du maître, copiaient son style. Le maître en question n’est autre qu’Eric Rohmer et les auteurs de ces petits films, dont il signe le cadre, ont été ses chefs-opérateurs, assistants et comédiens. Il n’est pas impossible que les historiens du cinéma du XXIIIème siècle se disputent sur l’attribution de Des goûts et des couleurs, le plus brillant d’entre eux et le plus mimétique, qui aurait très bien pu constituer un quatrième épisode aux Rendez-vous de Paris. On y retrouve la même ironie amusée que peut avoir le cinéaste vis-à-vis de ses personnages. Ici, deux jeunes gens s’émerveillent de s’accorder parfaitement dans leurs goûts et se prennent à rêver, au moins pour la fille, qu’ils sont les deux fameuses moitiés séparées dont parlait Aristophane chez Platon. Une simple robe, un bout de tissu, mettra fin à cette illusion.
Comme l’indique le titre, ces quatre films se passent le jour de l’anniversaire d’un des protagonistes. Autre point commun, à une exception près, on y offre des cadeaux qui ne plaisent pas, ce qui implique pour chacun une conception personnelle de la morale. Faut-il le dire, ou faire semblant de rien ? Eprise d’absolu, le personnage évoqué plus haut ne ment pas. Mais d’autres, plus raisonnables, décident de donner le change. L’ineffable Rosette, dont on se souvient tous, organise chez elle une soirée réunissant plusieurs de ses anciens amants. Tous lui offrent le même livre, oeuvre d’un autre amant absent et c’est pour elle la croix et la bannière de dissimuler aux uns et aux autres leur manque d’originalité. Au-delà d’une simple anecdote, il y a sans doute là une réflexion assez cruelle, quoique absolument dépourvue d’agressivité, sur les hommes et leur infatuation. Dans cet auteur absent, il n’est pas interdit de voir l’ombre du « maître » qui lui, au vu de son oeuvre incroyablement clairvoyante, ne semble s’être jamais fait d’illusion sur lui-même. Dans l’ensemble, ces quatre courts métrages sont assez remarquables. Pour l’avenir cependant, on conseillerait volontiers à leurs auteurs de « tuer le père »… si celui-ci n’était le trop précieux Eric Rohmer.
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Pierre-Marie Prugnard
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