Un film de gangsters australien assez efficace.
Sensation australienne en son pays, couvert de trophées, Animal Kingdom s’avance comme le dernier-né de la nécessité pour chaque pays d’avoir son propre drame familial de gangsters. Direction Melbourne, et l’entrée de Joshua, jeune grand dadais à peine remis du décès de sa mère junkie, chez les Cody, la famille de ses oncles malfrats. La couleur locale est celle de la banlieue pavillonnaire miteuse, des chemisettes à fleurs et des moustaches eighties toujours à la mode dans le sud de l’Australie.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
La morgue de Joshua rappelle d’ailleurs le Mark Wahlberg au front bas et à l’air rentré de The Yards, mais Animal Kingdom s’ingénie à se détacher des modèles évidents de films criminels qui pavent le genre. Au montage mitraillette de Scorsese, David Michôd (dont c’est le premier film) substitue la langueur et l’étirement, désamorce tous les passages attendus : lors d’une exécution, il se focalise sur un témoin impuissant et hagard ; ailleurs, une bruyante descente de police est noyée par la bande-son pop.
Des morceaux de bravoure, il ne garde que les bouts les plus hébétés avec un beau sens du rythme et de la surprise. Joshua est d’ailleurs une montagne de passivité, une sorte de mignon monstre Frankenstein qui passe l’essentiel du film à ne pas réagir ou prendre parti. Le film fait cette position, un peu intenable pour le spectateur, celle de l’adolescent observant le monde des grands : des gangsters féroces mais minables, que le réalisateur passe son temps à saisir et travailler au quotidien, au canapé ou devant le barbecue. Pas d’attaques de banque ici, juste une trivialité glauque bien documentée. Michôd envisage son film comme un zoo, la tragédie comme éthologie et conclut joliment sur l’hérédité criminelle. Il dispose pour cela de spécimens d’acteurs de choix, en particulier la matriarche du clan Cody : entre Gena Rowlands et Shelley Winters, Jacki Weaver compose une impressionnante chef de famille aux faux airs de coiffeuse, vieille lionne capable de protéger comme de manger ses petits.
Léo Soesanto
{"type":"Banniere-Basse"}