Cet été, au moment des bandes-annonces, les animaux qui parlent débarquent, avec leurs museaux so cute et leur lot de gros gags télévisuels. Faut-il leur claquer le bec et couper court à ce verbiage zoologique?
Allergiques aux bergers allemands s’abstenir. Ces temps-ci, une arche de Noé bavarde envahit le grand écran, avec Comme chiens et chats 2, Le voyage extraordinaire de Samy (la tortue) et les loups d’Alpha et Oméga. Sans oublier Marmaduke, dans la tradition de la comédie-américaine-avec-chien-qui-parle, où un danois moulin à parole fait du surf et vit des aventures dignes des pires teenage movies.
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Affligeant, vous trouvez ? C’est pourtant le genre idéal pour rameuter toute la famille au cinéma. Rappelez-vous Dr Dolittle. La bonne grosse comédie où Eddie Murphy devenait à moitié fou en communiquant avec tous les animaux de la forêt avait rassemblé plus d’1,2 million de spectateurs en salle.
« C’est compliqué et coûteux de tourner avec de vrais animaux. Mais comme c’est mignon, les enfants emmènent leur parents, et en retour, ça peut être un succès commercial », explique Elodie Imbeau, responsable de la programmation jeune public à la Cinémathèque française.
Mignon. Le mot est lâché. Au contraire, dans ces comédies souvent pas très réussies, les mouvements de bouches artificiels peuvent paraître complètement décalés voire disgracieux.
L’animal y est d’ailleurs souvent « accessoire », pour Ghislaine Lassiaz, auteur du livre Un chat de cinéma. « On calque des sentiments humains sur des animaux sans s’intéresser à eux. Dans les films, contrairement à l’animation, l’anthropomorphisme relève juste du gag audiovisuel, ça ne va pas très loin », juge-t-elle.
Où sont les fables ?
D’Esope à La Fontaine, « les caractéristiques animales permettent de faire le portrait psychologique d’un personnage plus facilement qu’avec des humains », explique Elodie Imbeau. Une tradition reprise très tôt par les films d’animation, notamment ceux de Walt Disney. Tous les (ex-)petits enfants se souviennent du Robin des bois incarné par un renard, l’animal rusé par excellence.
Les représentations jouent à fond dans le choix des animaux qui représentent les personnages : le chien, grosse bête gentille, le chat plus distant ou charmeur, comme dans Shrek, le vautour sinistre, etc.
A l’instar du roman La ferme des animaux, de George Orwell, au cinéma, les bêtes parlantes participent parfois d’une métaphore politique ou sociale. Le roman avait notamment donné lieu à une adaptation en dessin animé.
Dans un film destiné au jeune public apparemment anodin comme Les Aristochats, Ghislaine Lassiaz voit « une manière de représenter la société et ses strates – la haute société, les chats de gouttière, etc… – de manière moins frontale qu’avec des êtres humains, et de rendre ces sujets accessible notamment aux enfants ».
« Se référer à des êtres plus petits que soi »
Aborder des sujets de manière détournée, comme dans les contes folkloriques, c’est tout l’intérêt de nombreux films d’animaux doué de langage. Dans la veine fermière, LE film avec cochon bavard oscarisé, Babe, de Chris Noonan, « installe tout de suite un cadre non réaliste, avec une mise à distance qui permet la réflexion », selon l’auteur d’Un chat de cinéma. L’opposé de la comédie-avec-chien-qui-parle, qui ne décolle pas du cadre réaliste d’une famille lambda.
Les bambins s’identifient-ils plus facilement aux personnages animaliers ? En tout cas, pour Ghislaine Lassiaz, « c’est important pour les enfants de pouvoir se référer à des êtres plus petits que soi, avec les mêmes préoccupations, comme l’amitié, la différence ou l’abandon ».
En 2003, dans Le monde de Némo des studios Pixar, le père petit poisson mal à l’aise apprenait à se jeter dans le monde et affronter ses dangers. Et grâce aux blagues à plusieurs niveaux, le film se rendait aussi accessible aux parents.
Monde sauvage
L’animation permet de plus creuser la dimension merveilleuse, et de s’intéresser pour de vrai à l’animal, pas seulement d’en faire un reflet de l’homme. « Comme dans le Livre de la jungle, adapté de Kipling par Disney, le cinéma d’animation a su se saisir de cette fascination pour le monde sauvage », selon Elodie Imbeau.
Du côté des Japonais, les animaux parlants servent une mystique liée au respect de la nature. Si les voix caverneuses des loups de Princesse Mononoké résonnent encore dans les oreilles des fans de Miyazaki, les Tanukis de Pompoko sont aussi bien embêtés par la destruction de la forêt. Peu à peu, ces génies à l’apparence de pandas se transforment en humains et doivent quitter leur mode de vie traditionnel pour vivre en ville.
Loin des comédies-améri-canines, chez les nippons, les animaux balancent sur les humains. Au cinéma, autant loger les animaux à la même enseigne que les hommes : tant qu’ils ont des choses à dire, pas la peine de leur claquer le museau.
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