Dimanche 18 mai. Avant la proclamation des résultats, on a peur.
On a peur que le jury ne s’embarque la tête la première dans un palmarès mou et consensuel, ne retenant que les sujets (la violence, bla-bla-bla…) en oubliant la mise en scène des films. Cet écueil, sur lequel s’étaient fracassés beaucoup de jurys cannois, est finalement évité avec beaucoup d’adresse et d’intelligence.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Si les délibérations auraient pu s’appeler Comment on s’est engueulés… (notre vie cannoise), force est de reconnaître que le résultat est presque parfait. Bien sûr, il a fallu donner quelque chose au mauvais film d’Ang Lee, The ice storm si mauvais qu’on l’a ici pudiquement passé sous silence : James Shamus a reçu le prix du Scénario, autant dire rien. Bien sûr, il a fallu offrir assez cyni-quement les deux prix d’interprétation à Sean Penn (pourtant exaspérant dans le très faible Nick Cassavetes) et à Kathy Burke (bien dans le bon petit film de Gary Oldman) pour que les Américains reviennent assurer le spectacle l’année prochaine. Mais Poirier n’est pas reparti les mains vides et Wong Kar-wai (notre chouchou absolu, notre Palme de c’ur) a eu le plus beau prix pour un cinéaste, la Mise en scène.
Quant au quatuor de tête, Isabelle, Nanni et les autres ont fait très fort. Le toujours sublime « Jo » Chahine a reçu son bâton de maréchal en nous faisant pleurer à chaudes larmes. Egoyan a eu le Grand Prix Spécial du Jury, réservé (tradition cannoise) aux grands chercheurs très spéciaux. Imamura et Kiarostami, le vieux maître toujours vert et le génie enfin confirmé, se sont partagés une belle Palme d’or. L’un en a bien besoin pour trouver de l’argent et l’autre plus encore, pour calmer les ardeurs de quelques vilains barbus. Comme si tout cela ne suffisait pas à notre bonheur, Manuel et Manue (Béart) ne se sont pas dégonflés : ils ont jeté le terme de « sans-papiers » à la face des pingouins de la banquise cannoise. Et même « l’oubli » de Funny games sonne comme une récompense : le film de Michael Haneke avait déjà mis le feu au Festival, le jury a joué les pompiers de service, manière de reconnaître qu’il a été très dérangé. Bravo également au jury de la Caméra d’or : Dumont et Kawase, un choix incontestable. Une seule question demeure : qu’aurait fait le jury si Oliveira, Godard, Ferrara et Clint avaient été candidats à la Palme ? Tout l’or des banques de Cannes n’aurait pas suffi.
Morts de fatigue journalistique mais ivres de plaisir cinéphilique (et de quelques autres substances), on finit ce Festival comme on l’avait commencé dans l’enthousiasme. Ce soir, on versera une dernière larme de nervosité avant d’aller la noyer dans la piscine de la fête Imamura. Peut-être que Catherine Deneuve sera là. Voilà le cinéma réussi : le rêve et l’intelligence, la prodigieuse intelligence du rêve.
Palme d’or : L’Anguille de Shohei Imamura et Le Goût de la cerise d’Abbas Kiarostami.
Prix du 50e anniversaire : Youssef Chahine pour Le Destin et l’ensemble de son uvre.
Grand Prix Spécial du Jury : De beaux lendemains d’Atom Egoyan
Prix de la Mise en scène : Happy together de Wong Kar-wai.
Prix du Jury : Western de Manuel Poirier.
Meilleur Acteur : Sean Penn pour She’s so lovely de Nick Cassavetes.
Meilleure Actrice : Kathy Burke pour Ne pas avaler de Gary Oldman.
Prix du Scénario : The Ice storm d’Ang Lee
Caméra d’or : Suzaku de Naomi Kawase, Mention spéciale à La Vie de Jésus de Bruno Dumont.
Grand Prix de la Commission Supérieure Technique : Thierry Arbogast pour Le Cinquième élément et She’s so lovely.
Court métrage : Palme d’or à Is it the design on the wrapper de Tessa Sheridan et Prix du Jury à Leonie de Lieven Debrauwer et Les Vacances d’Emmanuelle Bercot.
{"type":"Banniere-Basse"}