A Bucarest, un couple d’étudiants vit une histoire d’amour sur laquelle plane la folie. Ours d’argent 2017, un film qui se démarque de la production roumaine à caractère social.
Dix années chaotiques de la vie d’Ana et Toma, un couple d’étudiants de Bucarest, entre amour et folie. Histoire d’amour fou, donc, mais plus au propre qu’au figuré, puisque la jeune femme montre des signes de phobie et de dépression graves, qui laissent son amant désemparé.
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Cette dérive pathologique s’insinue par bribes dans un récit-maelström à la temporalité chamboulée – et au filmage chaloupé. Les différents stades de la relation, montrés dans le désordre, se repèrent essentiellement grâce à l’évolution de la chevelure de Toma, toison échevelée au départ qui se raréfie au fil des ans et finit par friser la calvitie.
Une impression de bribes arrachées au réel
L’essentiel étant de donner en permanence une impression de bribes arrachées au réel : pur simulacre naturaliste, certes, mais qui fonctionne assez bien et surprend en permanence le spectateur (même si la gymnastique mentale qu’on lui impose est épuisante).
L’intimité des deux amants toxiques est contrebalancée, ou plutôt contrecarrée, par la présence de la famille et de la société roumaine paternaliste. Outre les altercations avec les parents, il y a le recours-confession de Toma à un prêtre orthodoxe, qui donne lieu à une séquence belle et étrange.
Un retournement de la situation initiale
On n’en dira pas autant du fil rouge psychanalytique du film, constitué par les séances de thérapie de Toma, jalons voyants pour distancier l’histoire d’amour oppressante. Comme s’il fallait absolument éviter la subjectivité dans la description d’un phénomène pernicieux.
Mais ce pataud leitmotiv du psy n’est qu’une faute de goût ponctuelle au regard de l’intensité du processus global – qui n’est de toute façon pas si désordonné qu’il veut en avoir l’air, puisqu’il laisse apparaître une évolution, et qu’au bout du compte il y a un retournement de la situation initiale, qui est à nouveau signifié par une transformation capillaire (d’Ana, cette fois-ci, qui devient blonde aux cheveux courts).
Un propos moderne
Dès lors, ce n’est plus une histoire de folie et d’amour mais la lente et sinueuse rédemption d’une enfant déchue. Ce bouleversement renforce le film car il annule le cliché de la passion vécue comme une spirale suicidaire : Ana guérit, Toma déprime.
Dans l’ensemble, le film se caractérise par un propos plus moderne et une forme plus organique que la majorité des fictions roumaines, souvent engluées dans un magma familial et sociétal. Dans cette anatomie (de l’enfer) du couple, la famille et autres se manifestent mais restent subsidiaires.
Ana, mon amour de Calin Peter Netzer (Fr., Rou., All., 2017, 2 h 05)
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