Le nouveau film de Spielberg propose la reconstitution très documentée de l’insurrection en 1839 d’esclaves africains au large de Cuba à bord du navire espagnol Amistad, puis de la retentissante série de procès où s’affrontèrent abolitionnistes et politiciens soucieux de préserver l’entente entre les Etats-Unis et l’Espagne. Cet incident diplomatique verra contre toute attente le […]
Le nouveau film de Spielberg propose la reconstitution très documentée de l’insurrection en 1839 d’esclaves africains au large de Cuba à bord du navire espagnol Amistad, puis de la retentissante série de procès où s’affrontèrent abolitionnistes et politiciens soucieux de préserver l’entente entre les Etats-Unis et l’Espagne. Cet incident diplomatique verra contre toute attente le triomphe du droit inaliénable de la liberté pour tous les hommes. Après avoir longtemps considéré le cinéma comme un jouet (une longue liste de succès commerciaux régressifs et infantilisants l’atteste), Spielberg lui a découvert une utilité didactique, désirant de son propre aveu combler les carences de l’enseignement scolaire et universitaire trop évasif sur des événements historiques douloureux tels que la Shoah ou l’esclavagisme. Si Spielberg n’a jamais été un très bon cinéaste, Amistad entérine les indices de sénilité précoce de l’ex-wonder boy du cinéma américain des années 70, qui a désormais besoin de grands sujets ou d’effets spéciaux de pointe pour camoufler la nullité de ses mises en scène. Même s’il y a plus de cinéma dans l’ouverture d’Amistad la mutinerie des esclaves à bord du vaisseau négrier que dans les 2 h 14 du Monde perdu, la suite du film pourrait tout aussi bien être réalisée par Richard Attenborough (acteurs amidonnés, mise en scène rigide soumise à l’imagerie officielle). Paralysé par la solennité et la prudence, Amistad bénéficie de la caution politiquement correcte et de l’approbation morale de Spike Lee, qui a accepté que le film soit réalisé par un metteur en scène blanc après lecture du scénario. Nul dérapage dans la représentation des esclaves noirs : ils sont constamment dignes dans leur humiliation. A peine distingue-t-on une fugace admiration physique (sexuelle ?) devant les corps d’ébène, mais elle est vite chassée, comme une mauvaise pensée ou la peur de déplaire aux lobbies afro-américains. Du son et lumière spielbergien ne demeurent que des scories mal venues : une émotion téléguidée et surtout l’envahissante purée musicale de John Williams, qui se glisse derrière le moindre soliloque. Spielberg estime peut-être qu’un cours d’histoire est moins ennuyeux en musique. Contrairement à Rossellini, il n’a pas encore compris que la télévision est un meilleur outil pédagogique que le spectacle académique.
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