Deux gamins font régner la terreur dans la jungle urbaine : un film atypique dans le paysage de l’animation japonaise.
Adapté d’une bande dessinée japonaise du même nom, ce film d’animation a été réalisé par Michael Arias, un Américain installé à Tokyo qui avait servi de producteur pour Animatrix, la série de dessins animés issue de la trilogie Matrix des frères Wachowski. A la fin des années 90, Arias avait réalisé d’après la même histoire un premier court métrage de quatre minutes, pour lequel il avait conçu un procédé d’animation repris ensuite par les studios Ghibli (pour la réalisation de Princesse Mononoké). Depuis, le metteur en scène a pris le temps de réaliser son film, dont le scénario a été écrit par Anthony Weintraub, qui avait travaillé comme producteur sur Truman Capote. Enfin, la bande originale a été composée par le duo anglais Plaid, l’un des groupes de la maison de disques Warp, en pleine forme dans un registre qui lui est peu habituel. Malgré cette diversité des participants et des origines territoriales de chacun, Amer béton est avant tout un film japonais, animé par un studio nippon qui a réussi à reproduire l’esthétique du manga original, souvent faite de traits tremblés. En ce sens, Amer béton ne cède jamais à une esthétique dominante comme celle des studios Ghibli, mais développe un dessin particulier et des séquences qui semblent plus souvent inspirées par les animations primitives des années 70 que par les innovations technologiques récentes : ici, ce n’est pas tant le dessin qui bouge que la caméra qui se déplace et cherche ce qu’elle veut filmer. Le film raconte d’une manière sidérante le quotidien de deux gamins, deux frères orphelins baptisés Noir et Blanc. Ils ont fait de leur ville un étrange terrain de jeux, une sorte de Luna Park géant, mais dans lequel, en lieu et place des divertissements ludiques, se profilent des attractions bien plus dangereuses et violentes : Noir et Blanc se baladent sur les toits et font régner une sorte de loi personnelle dans la ville, rackettant tout le monde, à commencer par les yakusas. La toute-puissance qui leur est accordée est typique des thématiques des mangas et dessins animés japonais, qui opèrent souvent un renversement des normes et placent les figures adolescentes au centre du pouvoir, leur octroyant de fortes capacités de nuisance qui finissent souvent par les dépasser, comme dans Akira. Ici, contrairement à ce dernier film, les gamins ne subissent pas un contexte apocalyptique mais se déplacent dans une ville contemporaine devenue une sorte de patchwork entre plusieurs univers, mêlant les strates les plus contrastées, toujours entre modernité et décrépitude, futurisme et nostalgie. De sorte que le personnage principal du film est bien la ville et l’urbanité : comment s’y adapter, comment y vivre, comment se laisser habiter et métamorphoser aussi par elle ? Amer béton semble en cela faire écho à la dynamique interne de Tokyo, mégalopole en extension permanente, mais où subsistent toujours ses racines les plus anciennes. Comme si elle tentait de ne jamais céder à l’appel de la seule modernité, et de toujours laisser une étrange tension dominer les sentiments de ceux qui s’y promènent.
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