ALPHAVILLE de Jean-Luc Godard, avec Akim Tamiroff, Anna Karina, Eddie Constantine (1965, F, 95 mn) Quelques mois avant Pierrot le fou, Godard réalise ce faux film de série B, véritable célébration du langage comme unique clé de la liberté.S’il fallait ne retenir qu’une image pour résumer tout Alphaville, nul doute que ce serait cette image-là […]
ALPHAVILLE
de Jean-Luc Godard, avec Akim Tamiroff, Anna Karina, Eddie Constantine (1965, F, 95 mn)
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Quelques mois avant Pierrot le fou, Godard réalise ce faux film de série B, véritable célébration du langage comme unique clé de la liberté.
S’il fallait ne retenir qu’une image pour résumer tout Alphaville, nul doute que ce serait cette image-là : un type en trench et chapeau feutre qui court dans un long couloir étroit plein de portes. Que cherche-t-il ? Une issue ? Le sens ? Quel sens ? Il y a tellement de portes à droite et à gauche… La scène est si génialement cinématographique qu’elle sera reprise telle quelle dans Matrix des frères Wachowski, lorsque Nemo se retrouve au sein de la Matrice. Ce type en feutre et imperméable, c’est Lemmy Caution (Eddie Constantine), sorte de Dick Tracy à la française, journaliste-espion intergalactique perdu dans Alpha 60, l’immeuble de la mémoire et de la sémantique, la « matrice » d’Alphaville (un Paris nocturne transfiguré). Dans cette « ville-Alpha », au nom de la science et de la logique, on supprime les mots inutiles au bon fonctionnement du système. On bannit tous ces termes qui menaceraient l’ordre comme « amour » ou « liberté ». On interdit la poésie au nom du progrès, pour empêcher les hommes de se perdre dans les sentiments superflus, comme rêver sa condition. La pochade futuriste permet à Godard de mêler les données du réel avec des idées, des hypothèses au fil de plans inoubliables, comme ce personnage de série B perdu dans le Labyrinthe de Borges, où cette inadaptée (Anna Karina) qui s’abîme dans la lecture de Capitale de la douleur d’Eluard. Que devient le langage sans la poésie ? Qu’est-ce que le langage et la poésie sans l’amour ? Godard raconte des fables et ouvre grand les portes de la tête. Le couloir semble infini.
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