[Nos grandes séries – Pedro Almodóvar] Pour ce premier épisode, une exploration approfondie des thématiques chères à un cinéaste dont les motifs et leitmotivs sont nombreux à peupler une filmographie profuse.
“Les Inrocks” poursuivent leurs séries consacrées aux grandes figures suivies par le magazine depuis des années, voire des décennies. Après Houellebecq, Miyazaki ou Godard, voici notre série consacrée au grand Pedro Almodóvar, à l’occasion de la présentation très attendue de son dernier fim, “Douleur et gloire” au festival de Cannes. A la fois cinéaste graphique et inspiré, parangon de la modernité tout en étant épris de nostalgie, peu soucieux de la binarité des genres et compilateur musical de génie, Pedro Almodóvar ne pouvait que faire partie du panthéon de notre magazine.
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Hommes, femmes, ni l‘un.e ni l’autre ; sexe, drogue & movida ; religion, ibéritude et madridisme, ascendance et descendance, familles et névroses : ce qui abreuve, innerve et incarne l’œuvre du réalisateur espagnol. Toute une passion (du cinéma) en 19 stations.
Hommes
Rayés de l’univers dès le premier film (Pepi, Luci, Bom et autres filles du quartier), les hommes sont une minorité chez Almodóvar. Minorité plus opprimante qu’oppressée, car on ne compte plus les pères démissionnaires, les maris criminels, les salauds qui font souffrir les femmes… La rédemption tient souvent au transsexualisme (cf. Tout sur ma mère). Et si l’homme revient, c’est plutôt comme objet du désir, figure vénéneuse et incandescente dont Antonio Banderas a longtemps gardé le monopole. En deux films pourtant (Parle avec elle, La Mauvaise Education), “l’Almodomonde” opèrera une surprenante révolution copernicienne où sa rotationsera désormais faite autour de la planète masculine. La femme est tombée dans le coma (Parle avec elle) et laisse l’homme fort démuni. Elle se réduit à des figures de tantes ou de mères (La Mauvaise Education). Inutile de dire que cet univers abandonné aux hommes est moins joyeux et hédoniste que lorsque la femme en dessinait l’horizon. Il ne reste plus désormais de place qu’à l’amertume, au regret et à la désolation. En se retirant, la femme a désenchanté le monde. Jean-Marc Lalanne
Femmes
Feuilletons un livre sur le cinéaste madrilène. On y voit des dizaines de femmes, mais un seul homme, ou presque : Pedro Almodóvar. Evidemment, il y a une belle exception : Antonio Banderas, tenant la dragée haute – sur les photos du moins – à Victoria Abril dans Attache-moi ! (banderas, banderas pas ?). Si les cinéastes homosexuels (Cukor, Fassbinder) sont ceux qui ont le plus passionnément représenté les femmes à l’écran, c’est parce qu’ils idéalisent la féminité. Pour les hétéros, les femmes sont des aimants, des prises de courant, pas des icônes. Pour Almodóvar, aimer une femme, c’est la regarder, la vénérer, la magnifier.
Corollaire de cette adoration, le culte de la maternité, transposition de celui de la Vierge Marie. Bien avant Tout sur ma mère, Almodóvar met en scène Carmen Maura en mère courage à la Anna Magnani dans Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça ? Figure inverse, Becky (Marisa Paredes), star et mère indigne de Talons aiguilles, dont le geste final (elle s’accuse du meurtre commis par sa fille) rachète son égoïsme passé. Cela dit, Almodóvar mettra un certain temps à composer un portrait de femme complet et nuancé. A ses débuts, il a surtout brillé dans le patchwork.
Avec des personnages tels que les punkettes de Pepi, Luci et Bom…, soucieuses d’en découdre avec le machisme postfranquiste, les bonnes sœurs kitsch de Dans les ténèbres ou la fausse transsexuelle (Carmen Maura) de La Loi du désir, le cinéaste peignait un tableau diffracté, voire cubiste de la féminité… Ça manquait encore de chair et d’âme.
A partir du moment où il inscrira le mot “femmes” (au bord de la crise de nerfs) au fronton d’un film, Almodóvar commencera à envisager la féminité dans toute son ampleur émotionnelle, à travers des héroïnes appartenant souvent aux métiers du spectacle (cinéma, télévision, chanson), c’est-à-dire affichant une surféminité. Les stars, plus stylisées et éclatantes que les femmes de la rue, sont les référents obligés. Mais avec le temps, cette position un peu théorique va s’infléchir.
D’abord dans La Fleur de mon secret, film mélancolique au regard des précédents, pour lequel on a parlé de maturité chez Almodóvar, qui est le portrait de femme le plus dépouillé du cinéaste. Ses références évoluent aussi. Au moment de son premier film, Pepi, Luci et Bom…, Almodóvar parle de sa fascination pour le baroque Pink Flamingos de John Waters avec la monstrueuse Divine.
En tournant Dans les ténèbres, il pense au classique Blonde Venus de Von Sternberg (avec Marlene Dietrich), et pour Tout sur ma mère, il va prendre Opening Night de Cassavetes comme point de départ. Pour reprendre une formule publicitaire, Tout sur ma mère, c’est “l’émotion pure”, le drame débarrassé de ses béquilles décoratives. Il sera suivi de Parle avec elle, où Almodóvar envisage à nouveau la femme comme une icône, mais accessible et dépouillée d’artifices. Vincent Ostria
Espagne
Fruit de la contre-culture espagnole de la fin des années 1970, Almodóvar n’en est pas moins devenu, vu de l’étranger, le metteur en scène dont les films nous renvoient l’image de l’Espagne la plus conforme au fantasme commun. Le cinéasten’hésite pas à récupérer les stéréotypes, voire les clichés folkloriques les plus éculés, quitte à les subvertir : la corrida, les femmes de caractère, les hommes virils, les vêtements colorés, la musique, la religion (avec ses statues de saintes vierges kitsch et tout l’attirail sadomasochiste qu’on associe couramment au catholicisme espagnol, avec ses grilles en fer forgé, ses silices, ses séances d’autoflagellation, ses crucifix décharnés), la cuisine (chorizo, boudin, paëlla, gazpacho, etc.). Avec parfois quelques pointes de sud ou central américanisme pas moins clicheteux (cocktails à la tequila ou cha-cha-chas endiablés).
Dans La Fleur de mon secret (que Almodóvar considère comme son “film le plus castillan”), le cinéaste semble même perdre de la distance avec les clichés : Leo (Marisa Paredes) et sa mère (la délicieuse Chus Lampreave) retournent ensemble dans le petit village d’Estrémadure dont elles sont originaires. Dès l’entrée de leur maison, des grappes d’ail et de piments rouges tombent du plafond. Des dentellières font du fuseau dans une cour. Images sur papier glacé, style Des Racines et des ailes, l’émission touristico-chic de France 3. On s’inquiète un peu : jusqu’où Almodóvar ira-t-il ? Depuis, il semble que le plus espagnol des cinéastes espagnols ait repris ses marques. Il y a bien un torero dans Parle avec elle, mais c’est une femme. Jean-Baptiste Morain
Madrid
Carmen Maura, Rossy de Palma, Victoria Abril… Les femmes passent chez Pedro Almodóvar. Or, il en est une à laquelle cet enfant de la Manche a fait vœu de fidélité – presque absolu : Madrid. La cité castillane ne l’a pas vu naître mais, très vite, il en fera sa mère d’adoption cinématographique. Il y tourne, fin des années 70, ses premiers courts métrages en Super-8 (Baise, baise, baise-moi, Tim) puis enchaîne une prolixe série de longs métrages. Pepi, Luci, Bom et autres filles du quartier ainsi que Le Labyrinthe des passions fleurissent au cœur d’un certain Madrid underground. Celui de la Movida avec ses quartiers chamarrés, oiseaux de nuit tumultueusement toxiques (Malasana, Chueca, Sol, Huertas…).
Dans Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça ?, le réalisateur côtoie les faubourgs et photographie les sinistres complexes immobiliers dessinés par l’architecte Bañus et réservés aux nouveaux immigrésdu sud de l’Espagne. Il regagne ensuite le centre. Ses beaux quartiers, cette fois-ci, comme en attestent les décors luxueux de Attache-moi !, Talons aiguilles ou En chair et en os. Versant touristique de la ville, la Plaza Mayor apparaîtra même en fin de La Fleur de mon secret. Parfois, Almodóvar trompe son port d’attache.
Pour des retours éphémères aux sources de son village natal fantasmé (Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça ?, La Fleur de mon secret où, excédée par la folie urbaine, la grand-mère décide de couler ses vieux jours à la campagne) ; les murs d’un couvent au rigorisme illusoire (Dans les ténèbres) ; la mer, aussi (au milieu de La Loi du désir, Juan décide de faire le point sur ses amours en Galice). Pour Barcelone, rivale de toujours, encore (la Manuela de Tout sur ma mère s’y réfugie afin de faire le deuil de son fils) ; Valence, enfin (lieu auxiliaire de La Mauvaise Education). Fille de joie, épouse consubstantielle, Pygmalion éternel, épicentre existentialiste, Madrid reste néanmoins l’élue capitale de son art. Eléonore Colin
Movida
S’il fallait transcrire la Movida en images, ce serait une scène du Labyrinthe des passions. Plus précisément celle du concert punk barré où Pedro Almodóvar chante au côté de la porn-star Fanny McNamara. Face à une assemblée de crêtes capillaires en rut, tailleur cuir mini pour l’un, tenue glam pour l’autre, maquillage à la truelle et bijoux de pacotille, le duo égrène d’entrée de jeu un tableau élogieusement exhaustif de la défonce. “Amour de rat,amour de cloaque ; Amour d’égout, amour de poubelle ; Je ne le fais que pour l’argent”, s’époumonent-ils ensuite sur une rythmique disco-punk. Tout y est ou presque. Impro, provoc, fête, sexe, drogue, rock’n’roll et autodérision furieuse.
La Movida ne pouvait trouver meilleur haut-parleur que le deuxième long métrage du cinéaste espagnol. Ce dernier la définit comme “un mouvement urbain, rock engagé et militant, saupoudré de hasch”. Mouvement qui, selon l’écrivain Jorge Semprun, serait un véritable courant touche-à-tout : “De l’invention d’une mode au design en passant par l’art et la pensée. Des revues naissent, comme Luna ou Madriz, revues libertaires et novatrices dans leur mise en pages, qui font appel à la BD, et publient des textes sur la vie quotidienne, la politique, les arts, la vie des quartiers.”
Des artistes de tous bords émergeront de cette profusion créatrice. Tels Ramoncin, le chanteur rock engagé, le peintre Ceesepe, le photographe surréaliste Pablo Pérez Minguez, qui portraitise les affres de la nuit madrilène, les stylistes Manuel Pina, Pepe Rubio ou Agatha Ruiz de la Prada dont le prêt-à-porter revendique la liberté du choix individuel. Sans oublier la petite bande déjantée du Labyrinthe des passions. De la photographe Ouka Lele au plasticien Guillermo Pérez Villalta qui a conçu le décor de la chambre de Sexilia, en passant évidemment par McNamara…
Née à la fin des années 70 au cœur de Madrid, la Movida n’est autre que le pendant culturel de la transition politique espagnole. Le témoin et le vecteur du passage qui conduiront la péninsule ibérique de quarante années de dictature franquiste à la démocratie parlementaire via une course effrénée vers la modernité et un effort débridé de rattrapage historique. Mais surtout la construction de l’image identitaire de l’Espagne des années 80, teintée d’éclectisme, d’hédonisme, de cosmopolitisme (la culture anglo-saxonne en est le référent principal), où le refus des idéologies, la fête, la frivolité, le kitsch, l’affirmation de soi et l’usage immodéré de stupéfiants font un pied de nez incessant au franquisme.
Roman-photo punk bricolé, Pepi, Luci, Bom et autres filles du quartier, son premier long métrage sorti en 1980, symbolise à merveille cette folie movidesque. Almodóvar utilise les principales thématiques de la Movida pour faire voler en éclat le carcan rigide d’une sexualité normative. Sexualité où l’homme domine sous les traits d’un flic macho et libidineux qui frappe sa femme et n’hésite pas à violer sa copine.
Luci, l’épouse soumise, inversera le rapport de force en découvrant les joies de l’homosexualité avec Bom (la chanteuse punk Alaska) qui la gratifie d’une très jouissive golden shower. Dans Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça ? – réalisé en 1984 à l’extrême fin de la Movida –, Gloria va encore plus loin. Elle finit pas se rebeller contre son mari autoritaire et frivole en l’assassinant à coups de jambon. Le cocasse, la dérision, l’amoralité restent les armes principales d’Almodóvar pour dénoncer les archaïsmes de la société espagnole. Un seul mot d’ordre : vivre à fond et libre. Eléonore Colin
Musique
Entre la pop survoltée de la punkette espagnole Alaska (dans Pepi, Luci, Bom et autres filles du quartier) et l’interprétation suave de Cucurrucucù Paloma par Caetano Veloso (Parle avec elle), il y a tout un monde, une distance faramineuse qui témoigne du parcours suivi par le réalisateur depuis deux décennies. Dans ses tout premiers films, purs produits des années folles de la Movida madrilène, Almodóvar accorde une large place à la scène punk-rock locale. Un vivier turbulent dans lequel il a lui-même trempé ; avec son compère Fabio (alias Fanny) McNamara, il a créé un duo dont on peut goûter les pitreries parodico-punkoïdes dans Le Labyrinthe des passions.
Bien qu’ancrées dans la réalité culturelle espagnole du début des années 80, ces musiques n’ont pourtant pas valeur de témoignage historique. En phase avec le contenu ouvertement provocateur des intrigues, elles font déjà office de ressorts narratifs. Dans ses films suivants, où il affiche un penchant certain pour l’esthétique kitsch, Almodóvar sera tout aussi soucieux de faire coller le son à l’image, en ayant notamment recours à des musiques clinquantes, tape-à-l’ouïe – voir les impayables bellâtres du Duo Dinamico (Attache-moi !) ou l’assommante chanteuse italienne Mina (Matador)…
A la fin des années 80, alors qu’il se tourne vers des études de caractères de plus en plus fouillées, mettant en scène des personnages à fleur de peau et à bout de nerfs, Almodóvar infléchit de manière assez nette la direction musicale de ses films. “Je privilégie les chansons viscérales, déchirantes et baroques, dit-il alors, parce que ce sont celles qui correspondent le mieux à mes personnages.” Dévoiler par la musique la part d’ombre de ses héros : fort de cette ambition, Almodóvar va naturellement puiser dans l’histoire de la chanson romantique latino-américaine (avec une prédilection pour le répertoire sans âge des boleros). Et choisir des interprètes hors norme, capables par leur seule voix de couvrir toute la gamme des passions humaines.
Plus qu’à la très lisse Luz Casal, on pense ici à l’égérie mexicaine Chavela Vargas (Kika, La Fleur de mon secret), mais aussi à deux grandes figures disparues des musiques cubaines : le génial chanteur et pianiste Ignacio Villa, dit Bola de Nieve (La Fleur de mon secret, La Loi du désir) et l’explosive chanteuse La Lupe (Femmes au bord de la crise de nerfs). Trois monstres sacrés aux cœurs cabossés et aux vies accidentées, qui auront su donner la vraie définition du mot “lyrisme” : non pas la transcription caricaturale des plus infimes mouvements de l’âme, mais la juste expression des émotions et des pulsions les plus extrêmes. Une vision des choses qui, à elle seule, synthétise toutes les ambitions actuelles de Pedro Almodóvar. Richard Robert
Homosexualité
Le cinéma d’Almodóvar est synchrone d’une libéralisation des mœurs qui rend peu à peu admissible la représentation de rapports homosexuels dans des films (de plus en plus) grand public. L’homosexualité n’est pas chez lui seulement affaire de sexualité, mais aussi (surtout) de signes. Humour camp, blagues de folles, inversion des identités sexuelles sont monnaie courante dans ses premiers films. L’homosexualité féminine s’y affirme aussi avec constance, jusque dans des œuvres récentes (Marisa Paredes dans Tout sur ma mère). Le sexe entre hommes y est bizarrement plus intermittent. Il culmine dans La Loi du désir, film culte de la communauté et des festivals gay, puis s’estompe.
Dans les années 90, plus aucun homosexuel masculin ne peuple ses films et même les travestis couchent avec des femmes (Miguel Bosé dans Talons aiguilles, Tout sur ma mère). Le “pédé” est finalement une espèce rare dans la filmo almodóvarienne, où l’homosexualité est davantage affaire de vision du monde, d’identité. Jusqu’à La Mauvaise Education, où il fait soudainement retour. Ce dernier film est un peu le remake âcre de La Loi du désir. Cette loi du désir, qui voit la vie d’hommes installés pulvérisée par l’irruption d’éphèbes magnétiques, semble trop implacable au cinéaste pour qu’il n’éprouve le besoin de se réfugier dans l’utopie d’un monde où toutes les identités sexuelles seraient convertibles. Jean-Marc Lalanne
Sexe
C’est l’une des grandes affaires du almodóvarland. Sauf erreur ou mémoire défaillante, il y a des scènes de cul dans tous les films d’Almodóvar : entre hommes et femmes, entre hommes, entre femmes et travestis, entre drag-queens ou transsexuel(le)s, couché, debout, suspendu, par devant, par derrière, etc. Pedro Kamasutra a essayé toutes les positions, filmé toutes les combinaisons. On peut dire que le cinéaste a toujours été très franc, frontal, sans façon, dans sa représentation du sexe.
En revanche, il n’est jamais passé au sexe explicite, au porno, à la monstration d’organes en action, ce qui pourrait contredire à bon droit la phrase précédente. Disons alors que le cinéaste a toujours été direct dans la représentation simulée du sexe. Si la chair était gaie dans la plupart de ses films, elle est devenue triste et problématique dans ses films plus récents. Entre l’infirmier violant une quasi-morte dans Parle avec elle et les étreintes maussades de La Mauvaise Education, c’est comme si, en vieillissant, Almodóvar avait troqué sa jeunesse exubérante, hédoniste et jouisseuse pour une maturité plus grave, mélancolique et peine-à-jouir.
“Jouir, c’est ouïr”, ou l’inverse, comme disait le divin marquis : le sexe chez Almodóvar passe aussi très souvent par la parole. De Qu’est-ce que j’ai fait… où ça parle (avec elles) de bites (“poya”) et de sperme bien laiteux, jusqu’à Parle avec elle, où un personnage se gausse du sexuellement correct américain, les personnages d’Almodóvar ont toujours appelé une chatte une chatte. Chez le cinéaste, le sexe n’est pas un enjeu transgressif ou un instrument pour choquer le bourgeois, mais un élément naturel et important de la condition humaine, donc un élément digne d’être filmé
ou de figurer dans un dialogue, au même titre que les sentiments, le travail, le pouvoir, l’amitié,le sport, la culture ou tout autre thème faisant partie de la réalité de notre expérience terrestre. Chez Almodóvar, le sexe n’est ni outrageusement choquant,ni puritainement évacué : il est, très banalement. Serge Kaganski
Couleurs
Quelle image vient en premier lorsqu’on pense aux films d’Almodóvar ? Des images très colorées : des rouges comme une cape de torero, comme la passion et comme le sang, des jaunes comme le soleil et le sable, des noirs profonds comme la mort et les soutanes des prêtres, des roses comme les fleurs du même nom. Des couleurs vives comme dans les films en Technicolor, ceux de Douglas Sirk, de Vincente Minnelli, ou comme ceux de Jacques Demy. Des couleurs qui font aussi penser à l’imagerie des pays américains hispanophones, au pop-art des années 60. Des couleurs parfois criardes mais jamais fluo, étrangement agencées, comme dans les photos de Pierre et Gilles ou les vêtements de Jean Paul Gaultier.
Le rouge surtout, qui met si bien en valeur les femmes passionnées (Rossi de Palma, Carmen Maura, Cecilia Roth, Marisa Paredes ont toutes porté du rouge, même si Victoria Abril semble plutôt abonnée à l’orange ou au rose). Mais quand un personnage est déprimé, comme Leo (Marisa Paredes) dans La Fleur de mon secret, il porte du bleu. Dans ses Conversations avec Frédéric Strauss, Pedro Almodóvar déclare : “La culture espagnole est très baroque mais celle de la Mancha est au contraire d’une sévérité terrible. La vitalité de mes couleurs est une façon de lutter contre cette austérité de mes origines. Ma mère s’est habillée en noir presque toute sa vie. Depuis l’âge de 3 ans, elle était condamnée à porter le deuil pour différentes morts familiales. Mes couleurs sont comme une réponse naturelle partie du ventre de ma mère pour m’élever contre l’austérité obligatoire. Avec le pouvoir de lutter que possède la nature humaine, ma mère a conçu un enfant qui aurait la force d’aller contre tout ce noir.” Jean-Baptiste Morain
Style
Adepte de l’underground new-yorkais, du cinéma hollywoodien et du pop art, Almodóvar a toujours traduit cette triple obsession dans son œuvre. C’est même le seul cinéaste pop de notre époque. Mais avant d’en arriver à cette stylisation absolue qui culmina avec Kika, et décrut graduellement au fur et à mesure qu’il dépouillait ses histoires et les teintait de gravité, Almodóvar joua la carte du kitsch brouillon (tigres et bonnes sœurs, groupes punk et matadors). La rigueur ne lui est venue que progressivement, associée à une obsession pour la couleur rouge.
Mobilier, décors et costumes rétros aux couleurs primaires empruntées aux arts ménagers des années 50-60, apogée du plastique et du Formica, ses films sont pourtant situés dans le présent. Almodóvar est probablement le cinéaste, avec Hitchcock, qui a le plus travaillé à personnaliser le graphisme de ses génériques. Seuls ceux de Spike Lee durant la période flamboyante d’Almodóvar (circa 1986-1993) témoignaient d’une telle audace.
Le cinéma d’Almodóvar emprunte une partie de son esthétique aux chanteurs de variété, aux groupes mod, et les mêle à des éléments plus modernes, comme par exemple les costumes expressionnistes de Kika dessinés par Jean Paul Gaultier. En s’appropriant et en détournant le style jouet et acidulé des années pop, Almodóvar distancie ses mélodrames, leur ajoute une touche ironique, voire cynique. Peu à peu, il bridera cette pulsion décorative. Dans Parle avec elle, les couleurs vives ont presque disparu. Almodóvar découvre l’intériorité. Vincent Ostria
Ascendance
On s’en tiendra ici strictement aux modèles cinématographiques du cinéaste (la mode, le design, la télévision, la littérature feuilletonesque… sont traités dans d’autres entrées), et c’est déjà bien vaste. Dans son enfance, son adolescence puis sa jeunesse, Pedro Almodóvar a vu, sinon tous les films, pratiquement tous les cinémas : la Nouvelle Vague française, tout le cinéma italien de l’après-guerre, Bergman, sans oublier bien sûr l’âge d’or hollywoodien, du western au mélo en passant par les comédies de Billy Wilder ou Preston Sturges qu’il avoue particulièrement apprécier.
Une bonne partie des films qu’il a dévorés, puis digérés dans son organisme, se retrouve dans ses propres films. La comédie, c’est une évidence, mais plutôt l’humour hénaurme, latin, extraverti, sexuel, de la comédie italienne ou de Billy Wilder (qui n’était certes pas latin, mais bien extraverti) ou les agencements subtils de Lubitsch ou McCarey. A noter que si la piste humoristique est nettement dévaluée depuis La Fleur de mon secret (et totalement absente de La Mauvaise Education), le rire secoue encore par instants des mélodrames comme Tout sur ma mère ou Parle avec elle.
C’est justement le mélo qui s’impose comme tronc central du cinéma d’Almodóvar depuis quelques films, même si cet élément était déjà présent dans des œuvres plus anciennes comme La Loi du désir. Quand on pense mélodrame, on pense bien sûr à Douglas Sirk et à Rainer Werner Fassbinder, le cinéaste allemand constituant une sorte de chaînon manquant entre Sirk et Almodóvar. Avec Fassbinder, Almodóvar partage le goût des personnages féminins tragiques, la confusion des genres et des sexes, le transformisme, le goût pour le camp ou le queer.
De Sirk, Almodóvar a hérité le goût des émotions fortes, des affects portés à ébullition, des couleurs saturées, ainsi qu’un penchant à filmer les objets de consommation de leur époque. Un film comme Tout ce que le ciel permet (1956), histoire d’amour impossible, pourrait être la matrice de nombreux récits almodóvariens. Différence notoire: chez Sirk, ce sont les convenances sociales qui empêchent les gens de s’aimer; chez Almodóvar, ce sont plutôt les abîmes intimes, les fêlures personnelles, qui sont les causes des amours amères. Enfin, parmi les innombrables influences d’Almodóvar, difficile de ne pas mentionner Hitchcock.
Pas tant le “maître du suspens” (les films de l’Espagnol n’ont jamais été bâtis sur un suspens haletant de bout en bout) que le cinéaste à la sexualité trouble, période flamboyance hollywoodienne, l’ordonnateur du surlignage formel et du surmaquillage, le roi de la couleur, du fard et de la perfection cosmétique. On pourrait citer telle péripétie scénaristique, tel mélange de romance et de meurtre, telle façon de cadrer un visage féminin, souligner qu’Alberto Iglesias est le Bernard Herrmann d’Almodóvar pour appuyer la référence hitchcockienne, mais là n’est peut-être pas l’essentiel. Ce qui rapproche Almodóvar d’Hitchcock, c’est qu’on peut voir leur désir infuser chaque photogramme, lire leur sexualité à travers leurs films. Serge Kaganski
Descendance
Il n’est jamais simple de s’inspirer d’une œuvre dont les signes extérieurs sont aussi visibles et évidents que chez Almodóvar. Se lancer sur les traces de ce cinéaste au style extraverti, c’est prendre le risque de passer pour un vil copieur, une réplique qui ne vaudra jamais l’original. C’est à peu près la mésaventure qui est arrivée aux contemporains ibères d’Almodóvar tels que Bigas Lunas ou Ventura Pons : ils ont toujours pâti de la comparaison avec le maître, à juste titre d’ailleurs.
Le cas de François Ozon est plus intéressant. On ne sait pas trop si Ozon s’est réellement inspiré d’Almodóvar ou si les deux cinéastes ont simplement été éduqués par les mêmes films (ceux de Sirk, Fassbinder, Truffaut, Hitchcock, etc). C’est le problème avec les cinéastes cinéphiles et la postmodernité, les influences finissent par se mordre la queue. Toujours est-il que les deux hommes affichent un même goût pour la transgression, les couleurs châtoyantes, le travestissement, et les grandes actrices. Il n’en reste pas moins vrai que le meilleur film de François Ozon à ce jour demeure Sous le sable, son projet le moins “almodóvarien”.
Bilan, l’héritage almodóvarien semble impossible : les cinéastes espagnols sont trop proches de l’astre Pedro pour ne pas s’y brûler; aux autres, il manquera toujours l’Espagne et la langue espagnole, tellement constitutives de l’univers d’Almodóvar. Serge Kaganski
Transformisme
Le transformisme est d’abord un art de l’imitation : un fan transi imite la chanteuse de ses rêves (Talons aiguilles), un jeune acteur arriviste se travestit pour se faire passer pour son frère (La Mauvaise Education)… C’est aussi l’art de transcender les limitations – celles des identités rigides, des convenances sociales… Le transgenre est avant tout un idéal existentiel chez Almodóvar.
Mais c’est aussi une question d’écriture. Du mélodrame au polar, de la comédie à la série B, son œuvre hybride les genres (cinématographiques), décloisonne les catégories culturelles avec la même ténacité que les genres sexuels. Un film d’Almodóvar est un organisme qui se transforme. Tout sur ma mère amalgame des bouts d’Opening Night, des situations d’All about Eve,
des représentations d’Un tramway nommé désir, pour en faire un seul corps.
C’est un film transtextuel peuplé de transsexuel(le)s. Plus encore qu’un choix sexuel, le transformisme est un parti pris esthétique. Le transsexuel est l’expression la plus accomplie
d’un monde entièrement postmoderne. Jean-Marc Lalanne
Tarantino
Le cinéma est un pays en soi, un territoire commun, ignorant les frontières et les douanes. Dans cette cartographie d’esthète, l’Américain Tarantino est le compatriote, voire le plus proche voisin de l’ibérique Pedro. Un même goût pour les récits proliférants, les histoires à tiroirs, les audaces narratives imprévues les rapproche. Et aussi un même amour pour la musique, une sorte de génie dans l’art de la compilation et l’exhumation de perles pop. Tous les deux appartiennent à une veine postmoderne qui les conduit à relire les figures des genres
du cinéma classique avec un subtil dosage d’ironie et d’affection.
Dans Kika, Victoria Abril improvisait un kung-fu extravagant façon Uma Thurman. La première séquence de Jackie Brown, où la silhouette de Pam Grier sur un tapis roulant se détachait sur fond de surfaces colorées aurait pu s’insérer dans Talons aiguilles ou La Fleur de mon secret. Kill Bill enfin métamorphose le monde en immense gynécée, où l’homme est une figure maléfique et absente, pour un grand match entre kung-fu girls au bord de la crise de nerfs, tel qu’aurait pu en rêver Almo. Jean-Marc Lalanne
Névrose
Obsédés : du sexe (comme le frère serial baiseur de Rossy de Palma dans Kika, tellement érotomane qu’il asperge la ville de sperme, juché sur un balcon), du crime (le torero de Matador ou l’écrivain de Kika, dont les pulsions meurtrières sont irrépressibles), de l’amour (Julieta Serrano dans Femmes au bord de la crise de nerfs ou Marisa Paredes dans La Fleur de mon secret, mais aussi, à sa façon anormale ouvertement nécrophile, de l’infirmier de Parle avec elle).
Phobiques : dans Matador, l’apprenti torero (Antonio Banderas) est pris de vertiges quand il regarde les nuages dans le ciel ; dans Parle avec elle, la courageuse torera ne supporte pas la vue d’un serpent ; dans Le Labyrinthe des passions, Sexilia a recours à la psychanalyse pour tenter de guérir sa nymphomanie et sa phobie du soleil… Obsessions, entêtements irrationnels ou angoisses soudaines… Une liste exhaustive serait trop longue. Les personnages des films d’Almodóvar souffrent de maux fort répandus dans nos sociétés (Almodóvar se dit lui-même agoraphobe et claustrophobe).
Des maux qui, pour ceux qui n’en souffrent pas, ont quelque chose de poétique, de comique et de dramaturgique, qui rendent bien évidemment compte d’un déséquilibre intérieur profond. On notera cependant que, contrairement à son aîné Buñuel, on ne trouve pas dans le cinéma d’Almodóvar de paranoïaque (El) ou de fétichiste (La Vie criminelle d’Archibald de la Cruz ou Le Journal d’une femme de chambre). Almodóvar, peintre des névroses ; Buñuel, peintre des psychoses ? Jean-Baptiste Morain
Création
Les créateurs pullulent dans les mondes de fiction de Pedro Almodóvar. Ecrivains (La Fleur de mon secret, Kika…), acteurs (Tout sur ma mère, La Mauvaise Education…), cinéastes (La Loi du désir, La Mauvaise Education…), chanteurs (Le Labyrinthe des passions, Talons aiguilles…). On n’arrête pas de créer chez Almo. Mais la chose n’est pas facile. L’artiste est souvent en crise d’inspiration, dupé par de jeunes intrigants arrivistes (La Loi du désir, Tout sur ma mère, La Mauvaise Education…), tourmenté par le spectre de l’impuissance et de la panne (La Fleur de mon secret).
Kika fait le point définitif sur la question. Entre l’écrivain (Peter Coyote) qui tue des femmes pour pouvoir en faire des romans et la journaliste trash de télévision (Victoria Abril), il n’y a pas de différence de nature. Tous deux sont des vampires qui sucent le sang de la réalité. La véritable artiste du film est peut-être la petite esthéticienne Kika.
En maquillant un jeune défunt pour ses funérailles, elle le fait ressusciter.
L’artifice, lorsqu’il est mené à son point de perfection, fait jaillir une étincelle de vie. Le véritable créateur n’est pas celui qu’on croit et il doit opérer un détour par le factice, la recréation. Mais il n’est, de toutes façons, chez Almodóvar d’acte de création plus authentique, plus profond, plus radical, que la procréation. C’est le sens de Tout sur ma mère. L’œuvre absolue est l’enfant qui vient au monde. L’artiste fondamental est une femme enceinte. Elle seule peut exaucer le rêve de tout démiurge : accoucher d’une création qui soit la vie même. Jean-Marc Lalanne
Flashback
La nymphomanie de Sexilia et sa phobie du soleil dans Le Labyrinthe des passions, le douloureux lien mère-fille/Becky-Rebeca – dont est hanté Talons aiguilles – ou la toxicomanie qui ronge l’Ignacio de La Mauvaise Education ne sont pas les fruits du hasard. Ils trouvent leurs origines profondes dans une série de scènes primitives. Sortes de lucarnes à cœur ouvert sur leur enfance, elles percent le récit en autant de flash-backs aux images artificiellement jaunies.
Dans Le Labyrinthe des passions, Almodóvar règle ses comptes avec la psychanalyse en forçant volontairement le trait. Cet été-là, Sexilia n’a pas plus de 8 ans lorsque son père et son amoureux, accaparés ailleurs, l’abandonnent sous un cuisant soleil balnéaire. Elle se réfugie alors auprès d’une bande de garçons qui lui demandent de jouer avec eux “aux maris et à la femme” et l’invitent à une tournante précoce. Ceci expliquerait donc cela…
https://www.youtube.com/watch?v=M9U3oLd1f0k
Si les rapports qu’entretiennent Rebeca et Becky sont si désastreux, il faut remonter à l’époque où, fillette, la première jalousait l’amant de la seconde. Au point de l’épouser une décennie plus tard, piètre et sinistre compensation du désamour maternel. Le réalisateur décoche encore une fois ses sarcasmes sur Freud et sa lourde artillerie de causalité. Beaucoup plus long que dans les précédents, le rappel à l’enfance grignote la moitié de La Mauvaise Education.
On y retrouve Ignacio, quinze ans auparavant, dans son internat catholique en proie aux avances pédophiles d’un prêtre, le Père Manolo. Mais cette fois, la dramaturgie du trauma fondateur est prise tout à fait au sérieux. Quelque chose de la personnalité d’Ignacio se casse sous nos yeux dans l’évocation de ces attouchements contraints. Entre le flash-back échevelé du Labyrinthe des passions et ceux, douloureux, de La Mauvaise Education, vingt ans ont passé et Almodóvar semble avoir perdu le goût de jouer avec désinvolture avec les terreurs enfantines. Eléonore Colin
Famille
La famille chez Almodóvar, c’est d’abord une méthode de travail, la constitution d’une troupe de fidèles, qui occasionne parfois des exclusions sans retour (certains acteurs), mais aussi des collaborations pérennes et fécondes. La famille, c’est aussi une matière, travaillée de film en film, et qui subit souvent d’étonnantes mutations.
Dans ces nœuds de fratries et filiations à faire pâlir les Atrides, une fille peut même résoudre son Œdipe en couchant avec le travelo sosie de sa mère (Talons aiguilles), un fils peut devenir une fille pour continuer de coucher avec son père (La Loi du désir), un garçon s’habille en fille pour se faire passer pour son frère (La Mauvaise Education).
La famille est une entité en perpétuelle expansion, les liens deviennent tellement tordus et complexes que tous les personnages finissent par avoir des liens de parenté. La survie tient à ce qu’à l’intérieur chacun réussisse à toujours changer de place. Jean-Marc Lalanne
Télévision
Parmi les nombreuses scènes de télévision qui émaillent les films d’Almodóvar – et qui ont succédé aux nombreuses publicités dont le cinéaste espagnol truffait ses premiers films au grand plaisir
de ses fans –, trois sont assez frappantes et caractéristiques du rôle que le cinéaste assigne à ce média dans son cinéma. Dans Talons aiguilles, une présentatrice du journal télévisé, Rebeca (Victoria Abril), s’accuse en direct d’être la meurtrière de son mari.
Dans Kika, une ancienne psychologue reconvertie en animatrice de télé-réalité (toujours Victoria Abril) filme des tueurs en train de commettre leur crime, des assassins en cavale en train de participer à des processions et des séances d’autoflagellation, et les file dans la rue, caméra posée sur sa tête… Enfin, dans Parle avec elle, la torera, priée par une présentatrice de télévision du matin de faire des confidences sur ses amours difficiles, dénonce en direct la trahison de la journaliste, qui lui avait fait la promesse de ne pas lui poser de questions sur sa vie privée.
La télévision, chez Almodóvar, est : 1. L’espace du direct. 2.Le lieu de la confidence, de la recherche d’une vérité qui ne reposerait que sur l’aveu. 3. Et pour cela même, toujours un lieu de violence, où tout peut arriver. Un cadre où s’exprime une fausse vérité au sein d’un autre cadre, celui du cinéma, artifice qui dit
la vérité. Jean-Baptise Morain
Episode 1 Tout sur Pedro : l’univers de Pedro Almodóvar en 19 thèmes-clés
Episode 2 Episode 2 En 2004, son actrice fétiche, Carmen Maura, nous racontait son Almodóvar
Episode 3 La leçon de cinéma de Pedro Almodóvar au Festival de Cannes en 2009
Episode 4 Pedro Almodovar vu par…
Episode 5 Dans les coulisses des interviews de Pedro Almodóvar
Episode 6 Le plus beau des BO d’Almo
>> Lire aussi notre interview de Pedro Almodovar et de son acteur dans “Douleur et gloire”, Antonio Banderas
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