Après un documentaire sur Benjamin Millepied à l’Opéra de Paris (“Relève : Histoire d’une création”, 2016), le duo de cinéastes Thierry Demaizière et Alban Teurlai scrute l’univers de la danse hip-hop.
Nous sommes à la rentrée du lycée Turgot, un prestigieux établissement du troisième arrondissement de Paris, dont la particularité est d’offrir un double cursus : un enseignement classique pour l’obtention du baccalauréat en même temps qu’une formation à la danse hip-hop. Le lieu est un véritable laboratoire des nouveaux talents de demain mais aussi un espace d’insertion pour une jeunesse racisée souvent originaire des banlieues.
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La première partie du film s’attache à introduire chaque personnage de cette mosaïque d’une dizaine d’étudiant·es-danseur·euses qu’il va suivre sur une année. Patiemment, le documentaire apprend à connaître chaque individu, habité d’autant de doutes que d’espoirs. Le film bascule ensuite dans son deuxième acte dans un arc narratif propre au sous-genre du film de concours de danse, suivant une troupe de battles, de ses premiers pas jusqu’à l’attente du verdict final.
Choix pas évident mais fructueux, le découpage du film morcelle la fluidité des corps (quitte à altérer la véracité des performance) pour en offrir une vision sous stroboscope ou au contraire au ralenti, qui décompose les mouvements en action (comme une lointaine évocation du cheval au galop capturé par Muybridge). Focalisé sur le mouvement, ce film-là est aussi exaltant et énergique, véritable hommage à la vitalité débordante de cette jeunesse.
Le mythe méritocratique
Mais dans le creux de ce film, se niche un autre film, plus tant sur la danse que sur l’apprentissage scolaire. Un sujet sur lequel Thierry Demaizière et Alban Teurlai, par manque de rigueur, n’évitent hélas pas un certain idéalisme. Plus proche d’Être et Avoir de Nicolas Philibert que d’Entre les murs de Laurent Cantet, la caméra gomme les aspérités, arrondit les angles pour mieux épouser sa tonalité de feel-good movie, quitte à muter par moment en hagiographie de l’école de la République. Si le corps professoral est absolument admirable de finesse psychologique, d’empathie et de dévouement, si l’on se réjouit de la réussite et de l’entente d’une mixité sociale, on reste plus circonspect face au tableau dépeint selon laquelle l’école redistribuerait égalitairement les chances et le savoir à chacun de ses élèves dès que ces derniers passent sa porte.
Si tout le monde a les mêmes chances, comment explique-t-on alors que certains élèves d’Allons enfants échouent ? Réponse du film : le mérite est la seule condition nécessaire à la réussite. Négligeant totalement l’importance du contexte social et familial hors des murs du lycée, du capital culturel, de l’accompagnement et du soutien ou non des parents, la morale d’Allons enfants épouse davantage la profession de foi méritocratique de la start-up nation que la rigueur de l’analyse bourdieusienne. Un manque de complexité qui empêche le film de dépasser son statut de film de danse émancipateur galvanisant (ce qui est certes déjà honorable) et de le placer une marche plus haut, au rang de l’important film social dont il détenait très probablement la matière.
Allons enfants de Thierry Demaizière et Alban Teurlai, en salles le 13 avril.
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