En filmant une tragédie avec les moyens techniques d’une séquence d’actualité, Rossellini invente un langage neuf, le néoréalisme italien.
C’est quoi, ce zéro dans Allemagne année zéro ? La fin ou le début ? On considère généralement ce zéro comme un point relatif à l’histoire, un moment T sur l’échelle chronologique : fin du nazisme, début d’une Allemagne nouvelle. Ce serait passer à côté de l’essentiel. Le zéro, chiffre-néant, n’est pas relatif à l’histoire ou à la géographie mais
à un absolu. C’est beau comme un poème qui commencerait par :
« Juste après le déluge… » Dans les décombres d’une ville allemande, Rossellini filme un labyrinthe en cendres. Berlin ? Dresde ? Qu’importe l’Allemagne, il pourrait même s’agir de Grozny. Toute cette réalité-là, Rossellini la magnifie en suivant un gamin qui chaparde pour survivre, qui volette au dessus du gouffre et tue son père, un malade, invalide, geignard et désespéré…
Crime relatif et absolu. C’est la guerre. Pas de méchants ou de victimes, pas de pleurnicheries : dans la ville réduite à presque zéro, un dérisoire morceau de carton devient un trésor pour éloigner un courant d’air. Après Rome ville ouverte et Païsa, dans ce dernier volet de la trilogie qui fonde le néoréalisme italien, Rossellini invente une distance juste. Année zéro.
C’est à partir de là que la Nouvelle Vague inventera la notion d’auteur.
Le poète a réussi à voler ce monopole qu’avaient jusqu’alors les images d’actualités : la vérité. Vérité inconcevable de cet enfant criminel
qui s’égare au milieu d’un labyrinthe de ruines avant de s’effondrer.
C’est ici, dans l’absolu de cette tragédie volée au brouhaha de l’actualité,
que se situe le zéro.
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