Un enfant élévé en Italie retrouve son père mexicain sur une barrière de corail pour une émouvante robinsonade.
Un homme mexicain et une femme italienne se sont aimés, un enfant est né de cette brève romance. C’est le prologue d’Alamar, façon film de vacances. La femme est repartie à Rome, laissant l’homme, Jorge, mener une existence de Robinson dans le Banco Chinchorro, une des plus grandes barrières de corail du monde, encore protégée de la pollution et de la civilisation, où quelques pêcheurs vivent en communion avec la mer et la nature.
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Chaque été, le petit Natan part rejoindre son père et son grand-père, et il adopte pendant quelques semaines une vie de bon sauvage, où l’apprentissage des activités piscicoles se mêle à la découverte de la faune et de la flore de la région, entre plongée autonome, excursions en bateau et cours de philosophie panthéiste négligemment dispensés par les adultes. Alamar peut commencer.
Ce film enchanteur transporte le spectateur dans un état de bonheur et de nostalgie, heureux d’assister à quelques moments de vie tellement simples qu’ils deviennent épiques. Le sentiment de fragilité et le caractère précieux car provisoire des moments vécus entre un père et son fils éveillent le double fantasme d’un paradis perdu. Celui d’une relation harmonieuse avec la nature (sublime et généreuse, mais aussi en sursis, comme la plupart des sites écologiques) et celui d’une très émouvante relation père-fils, loin des interférences de la culture et de la société occidentales.
Voici un film qui retrouve les vertus de l’observation, capable de raconter une histoire, mais aussi des histoires en restant disponible au moindre événement, en accordant presque autant d’importance aux hommes qu’aux animaux, qui partagent souvent le même plan et les mêmes instants de plénitude.
On apprend dans Alamar comment écailler un poisson, mais on y fait aussi la connaissance d’un crocodile à moitié domestiqué, qui paresse aux alentours de la maison sur pilotis de Jorge, plantée au milieu du lagon, et de la mouette Blanquita, qui devient un temps la mascotte de la famille, en débarrassant la case de ses blattes, et la star invitée du film, assez cabotine.
Alamar est le premier film de fiction d’un jeune cinéaste mexicain issu du documentaire. Une fois de plus, cette frontière entre le romanesque et la réalité est au cœur du projet, mais elle se passe de mise en abyme et de dispositif savant.
Les “personnages” jouent leur propre rôle, le réalisateur se contente d’observer ces vies magnifiques sans aucun chichis, toujours à la juste distance. “Les choses sont là, pourquoi les déranger ?” Ce précepte rossellinien vient à l’esprit durant toute la projection d’Alamar.
On ne peut non plus s’empêcher de penser à Nanouk l’Esquimau et aux autres films de Robert Flaherty, mais aussi aux textes d’André Bazin sur le cinéma comme art réaliste en contemplant un film aussi amoureux de ce (et ceux) que la caméra enregistre.
Ce miracle de simplicité et de poésie a aussi le bon goût de s’adresser aussi bien aux enfants qu’aux adultes, ce qui est une excellente nouvelle à une époque où le cinéma de création, hormis l’animation, semble se ficher du jeune public.
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