Alors que son foisonnant et puissant « Rester Vertical » sort en salles, retour en cinq films sur l’itinéraire d’Alain Guiraudie.
Alain Guiraudie est sans conteste un cinéaste qui ne ressemble à aucun autre, et cela dès ses premiers films. Au début de sa carrière, dans les années 90, il filme de petits contes picaresques et humoristiques, des villages de son sud-ouest natal avec de faux noms de grandes villes internationales francisées (une invention qui sera « copiée » par la SNCF lors d’une campagne de pub en 2007). Il y est déjà question de la classe ouvrière, de son érotisation. Sait-on vraiment où Guiraudie veut en venir ? Pas si sûr. La critique pressent pourtant qu’un grand cinéaste va sans doute éclore et le suit de près.
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Il y a des parfois des redites dans son cinéma du début des années 2000, comme si le cinéaste cherchait une voie sans vraiment la trouver. Et puis, après le magique et stimulant Roi de l’évasion, son troisième long (2009), apparaît un premier grand film, bien rond, lisse, presque parfait : L’inconnu du lac, où, au-delà de la provocation consistant à filmer des hommes entièrement nus pendant deux heures, son cinéma atteint au mythe, aux grandes forces archaïques qui travaillent les hommes depuis toujours. Eros et Thanatos, oui, mais aussi l’Hubris, l’orgueil dangereux. La coïncidence entre le désir et la peur. Rester vertical, qui sort cette semaine (et qui était en compétition à Cannes cette année), confirme cette recherche artistique des forces telluriques, mystérieuses, et des peurs ancestrales qui nous habitent : les loups sont dans la vallée, les loups nous attirent et pourtant nous en avons peur. Portrait en 5 films.
Du soleil pour les gueux (court-métrage, 2001)
Une jeune coiffeuse au chômage, Nathalie Sanchez, arrive sur le « grand causse ». Elle rêve de rencontrer les bergers d’ounayes. Elle rencontre l’un d’entre eux, Djema Gaouda Lon, qui a perdu ses ounayes. Ils partent alors tous deux à leur recherche et rencontrent d’autres bergers, Carol Izba et Pool Oxanosas. Le décor guiraudien est planté : un western du sud-ouest où se mêlent réalisme social (la demandeuse d’emploi avide de rencontres) et un imaginaire champêtre délirant, burlesque, mais jamais totalement désopilant. Autre élément qui reviendra toujours dans son cinéma : l’absence d’explication. Guiraudie laisse le spectateur s’habituer à son univers sans jamais chercher à le justifier. Le film est présenté au Festival Entrevues de Belfort 2000 et au Festival Côté Court de Pantin 2000.
Ce vieux rêve qui bouge (moyen métrage, 2001)
Lauréat du prix Jean-Vigo en 2001, ce moyen-métrage est présenté en 2001 à la Quinzaine des réalisateurs. Jean-Luc Godard le loue au passage, le qualifiant de « meilleur film du Festival de Cannes ». Le film raconte l’histoire d’un jeune ouvrier qui vient démonter la dernière machine d’une usine qui va fermer. Il a rendez-vous avec quelqu’un qu’il ne connaît pas. Guiraudie filme son attente comme une attente de rencontre sexuelle. L’usine est une cathédrale en ruine. Le monde ouvrier se meurt et Guiraudie le filme avec tendresse, désir, amour.
Pas de repos pour les braves (long métrage, 2003)
La rencontre entre le jeune Basile Matin, qui pense qu’il va mourir s’il dort encore, Igor, un travailleur-étudiant qui s’ennuie et un journaliste bénévole, à la fois détective et malfrat, Johnny Got… A la fois film noir, road movie, un conte héroïco-fantaisiste dans la lignée de ses courts et moyens métrages. Chez Guiraudie, l’homosexualité est filmée comme la normalité, et c’est à la fois très drôle et libérateur.
Le roi de l’évasion (2009)
Armand Lacourtade, quadragénaire costaud et homosexuel, vend du matériel agricole à des hommes qui l’apprécient au lit. Mais il rencontre par hasard une adolescente, Curly (Hafsia Herzi). Elle tombe folle amoureuse de lui, et sa vie va changer. Mais ces épousailles inattendues dans le milieu d’Armand ne sont pas du goût de tous. Et puis, au fond, Armand est-il vraiment heureux avec Curly ? Conte moral, l’un des plus drôles de Guiraudie. Le film est présenté à la Quinzaine des réalisateurs en 2009.
L’inconnu du lac (2013)
Le film est présenté à Un certain regard à Cannes en 2013. C’est l’été. Tout se passe sur une plage naturiste gay située au bord d’un lac, dont on dit qu’il serait habité par une créature dangereuse. Dans les fourrés et les bois alentours, des couples se forment momentanément, le temps d’une relation sexuelle. Un soir, un jeune homme solitaire voit un autre habitué de la plage en tuer un troisième. Il tombe follement amoureux de lui. Mais la police enquête sur le crime. Film policier et film d’amour, quasi hitchcockien (on pense à Fenêtre sur cour), très tenu dans sa mise en scène, ce hui clos à l’air libre torride est à ce jour le premier chef d’œuvre de Guiraudie. Qui n’a que 52 ans aujourd’hui… A suivre donc, en allant déjà voir Rester vertical, film plus âpre, plus hétérogène, mais non moins magnifique.
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