L’histoire argentine vue sous un double prisme politique et familial. Avec une actrice éclatante.
Après une belle éclosion au début des années 2000, puis un petit coup de mou (du moins vu de France), le cinéma argentin semble revenir en force, si l’on se fie aux sélections cannoises de cette année. C’est dans ce contexte de nouveau pointé vers Buenos Aires que sort ce premier film de Lucía Cedrón, Argentine longtemps exilée en France.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Agnus dei raconte une histoire que l’on devine en partie autobiographique. Nous sommes en 2002 à Buenos Aires, en pleine crise économique, et un vieil homme se fait kidnapper en pleine ville. Sa petite-fille, Guillermina, est contactée par les ravisseurs. Afin de faire face à cette situation et de réunir l’argent de la rançon, Guillermina fait venir sa mère, Teresa, exilée en France (et fille de l’homme enlevé). Rapidement, des tensions sourdent entre la mère et la fille. Elles ne sont pas d’accord sur la façon de procéder. Alors que Guillermina est très attachée à son grand-père, Teresa semble avoir des comptes à régler avec son géniteur. Autre figure (absente) du puzzle familial, le mari de Teresa, et père de Guillermina.
A travers le complexe réseau de nœuds d’attachements et de conflits de cette famille, il est question de l’histoire politique de l’Argentine de ces trente dernières années, de l’héritage du péronisme, de l’épisode douloureux de la dictature de Videla (souvenons-nous, la Coupe du monde de foot de 1978, dont on entend des échos au début du film), des rapports parfois tragiques entre l’intime et l’Histoire, de ce qui se transmet ou s’occulte dans le lien entre les générations. Il y a d’ailleurs un cousinage évident entre cette émouvante fiction et le très beau documentaire de la Chilienne Carmen Castillo, Rue Santa Fé, qui était sorti l’année dernière.
A la fois classique et prenante, la mise en scène de Lucía Cedrón cadre ses personnages comme aux aguets, utilise les espaces morts et le hors-champ pour suggérer les enjeux masqués au-delà de ce qui est visible, joue habilement du montage temporel pour dénouer petit à petit toutes les facettes de cette double histoire politique et familiale (celle du rapt au présent, et celle refoulée dans le passé). Cedrón ne filme pas la dictature dans ses aspects les plus spectaculaires (par exemple la torture) mais dans ses effets diffus sur le quotidien, sur les gens ordinaires, et sur le temps. Et puis avouons notre faible pour Mercedes Morán, qui joue Teresa, superbe femme et actrice charismatique que l’on avait vue dans les films de Lucrecia Martel ou dans Carnets de voyage de Walter Salles. Ici encore, elle irradie le film de sa présence et transmet une énergie aux plans chaque fois qu’elle apparaît à l’écran.
{"type":"Banniere-Basse"}