La jeune actrice française, fée espiègle de « Belle dormant », nous parle de son dernier film, du prochain, une comédie avec Sandrine Kiberlain réalisée par Sophie Fillières, de son goût pour Hong Sang-Soo et de son désir de tourner avec de jeunes réalisateurs.
A 27 ans, Agathe Bonitzer a déjà tourné dans une vingtaine de longs-métrages et pas des moindres puisqu’elle peut se targuer d’avoir été dirigée par Raoul Ruiz, Christophe Honoré, Jacques Doillon, Agnès Jaoui, les frères Larrieu, Noémie Lvovsky, Ado Arrietta et bien-sûr son père Pascal Bonitzer et sa mère Sophie Fillières, tous deux réalisateurs. Elle va d’ailleurs bientôt tourner un second long-métrage avec cette dernière. Elle partagera l’affiche avec Sandrine Kiberlain et Melvil Poupaud. Intitulé La belle et la belle, ce sixième film de Sophie Fillières racontera l’histoire de deux femmes qui se rencontrent et réalisent qu’elles sont en fait la même personne à deux âges de la vie différents. Agathe Bonitzer se réjouit de tourner une vraie comédie :
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« J’espère que ce sera dans la veine de Victoria de Justine Triet avec une légèreté et de la fantaisie. J’avais déjà tourné avec ma mère mais c’était un film plus sombre quand même. On m’avait déjà proposé une vraie comédie. J’avais accepté dans un premier temps puis le scénario a été modifié et je ne me sentais plus vraiment dans mon élément. On m’a proposé de faire du théâtre au même moment et j’ai dit oui. »
Le théâtre justement, Agathe Bonitzer y a déjà joué à plusieurs reprises dans des mises en scène de Michel Fau ou Thierry Klifa mais elle avoue préférer la subtilité du jeu avec la caméra : « Le théâtre, c’est le plaisir du texte et la sensation du public. Mais en même temps, je n’ai pas le plaisir de la précision du jeu qu’on trouve au cinéma. Si on fait un battement de paupières ou un demi-sourire, personne ne le verra, à part peut-être ton partenaire. Et puis la caméra reste pour moi un objet magique. ».
« Mon personnage de fée est bienveillante mais en même temps séductrice »
S’il y en a bien un qui partage cet avis, c’est Ado Arietta. Belle dormant, le nouveau film du réalisateur de 74 ans dans lequel Agathe impressionne par la richesse de son interprétation, est une ode à un cinéma primitif, naïf et magique.
« Ado s’est complètement approprié le conte, il a créé des personnages moins manichéens. Il n’est pas du tout dans cette morale bourgeoise du conte. Par exemple, mon personnage de fée est bienveillante mais en même temps séductrice. C’est ce qui me plaisait dans le personnage. Ce n’était pas forcément présent à l’écriture. J’ai essayé de pousser le côté séducteur en montrant qu’elle-même tombe sous le charme du prince et que, même si c’est le succès de sa mission qui prime, elle regrette un peu à la fin que le prince ne l’ait pas choisie. Le plan où j’ai l’air un peu déçue à la fin était quelque chose que j’ai proposé. Il y avait même une version du film où il était absent et j’ai dit à Ado que je voulais qu’il le remette. »
« La reconnaissance c’est bien, la célébrité et l’exposition médiatique qui vont avec, c’est difficile »
Cet attrait pour une forme de séduction complexe et un peu perverse qui fait partie de sa personnalité la rapproche de son modèle revendiqué, Isabelle Huppert. Parmi les actrices plus jeunes, elle n’a pas particulièrement de modèle. Quand on lui parle d’actrices françaises très reconnues à l’international mais qui subissent une forme de bashing en France (Mélanie Laurent, Léa Seydoux, Marion Cotillard), elle répond :
« Le métier est déjà tellement fragilisant. Je crains déjà le regard des autres. Je sais qu’il faut se concentrer sur son entourage. Je ne suis pas du tout célèbre et je n’aspire pas à le devenir. La reconnaissance c’est bien, la célébrité et l’exposition médiatique qui vont avec, c’est difficile. »
Moins à l’aise donc avec les médias que sur les plateaux de cinéma sur lesquels elle traîne depuis qu’elle est en âge de marcher :
« Je me rappelle du tournage de Trois vies et une seule mort de Raoul Ruiz. J’avais 7 ans et je n’étais pas du tout impressionnée. Je me rappelle de Marcello Mastroianni et surtout de sa fille, Chiara, qui avait à peine 18 ans. Elle s’était teinte en rousse et elle me disait qu’elle essayait d’avoir la même couleur que moi… Alors bien-sûr, cette proximité avec les plateaux de cinéma faisait rêver mes copains et mes copines mais, pour moi, c’était très naturel. »
« Rohmer est une architecte de l’espace et Hong Sang-Soo, un architecte du temps »
A 12-13 ans et peu avant le tournage de son premier film avec son père, Petites coupures (2003), elle décide de devenir actrice. « Je ne me vois pas faire un autre métier, à part de la recherche en littérature peut-être », explique l’actrice, titulaire d’un master en lettres modernes. Ce premier tournage avec son père est aussi la première fois que rapports professionnels et familiaux se mélangent sur le plateau : « A chaque fois que nous travaillons ensemble, les trois premiers jours, nous avons besoin d’accorder nos violons mon père et moi, d’instaurer une forme de distance où je sois plus son actrice que sa fille et lui plus le réalisateur du film que mon père. »
Quand on lui parle de ses goûts de spectatrice, elle dit être bon public et avoir beaucoup aimé Toni Erdmann, Aquarius, Elle, Personal Shopper et Maman a tort de Marc Fitoussi « un film qui est injustement passé inaperçu ». Inconditionnelle de Rohmer, elle attend aussi avec impatience les deux films d’Hong Sang-Soo (HSS) qui sortiront cette année. « Ce sont mes deux réalisateurs préférés. Ils se ressemblent assez mais HSS est plus sombre. Ce qui est vraiment différent chez lui, c’est le jeu de la temporalité. Il enchâsse des réalités et fait des mises en abyme. Pour le coup, Rohmer est un architecte de l’espace et HSS, un architecte du temps. Je rêverais de travailler avec lui. Je l’ai rencontré cet été et je lui ai donné une lettre. En France, les réalisateurs qui s’inspirent de ce type de cinéma m’intéressent aussi, comme par exemple Guillaume Brac. De manière générale, j’aimerais beaucoup travailler avec de jeunes réalisateurs. »
Propos recueillis par Bruno Deruisseau
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