L’Islam, internet…Le monde moderne transmué en puzzle sophistiqué et glacial.
Depuis De beaux lendemains (1997), la carrière d’Atom Egoyan n’a pas été simple à cerner. Presque toujours présent à Cannes ou dans divers festivals, Egoyan a peu à peu été délaissé par la critique et le public français. Un film-somme intéressant mais trop compliqué et pas entièrement satisfaisant (Ararat, 2002), un film noir décevant et qui souffrit de la comparaison avec Lynch (La Vérité nue, 2005), puis un beau “home-movie” sur le retour de sa compagne Arsinée dans son Liban natal mais non distribué en salle (Citadel, 2006), telles furent les étapes qui ont distendu le lien entre le cinéaste et la ciné-France. Avec Adoration, on retrouve le Egoyan de la première veine, celle de The Adjuster, Calendar ou Exotica.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Difficilement résumable, voilà encore un objet egoyanien où s’emboîtent de façon fluide époques et récits, réalité et virtualité, images et projections affectives, sentiments et technologie, travellings soyeux et processus psychanalytique. De ce Rubik’s Cube esthétique émergent quelques thèmes forts : le passage délicat où un adolescent devient un homme, le roman familial, les relations entre communautés. Egoyan est un doux qui aime se confronter aux duretés de l’existence et des relations entre les êtres, un artiste qui aime scruter les zones conflictuelles (ici, l’énigme d’un père qui était peut-être un ogre, le regard de l’Occident sur les musulmans…) afin de les dépasser par la parole. On retrouve ici les points forts d’Egoyan. Intelligence du propos. Belle direction d’acteurs. Sophistication de la structure. Elégance glacée du filmage. Mais ces points forts secrètent aussi ce qui empêche l’adhésion totale à son cinéma : une certaine froideur conceptuelle, une complexité théorique qui a pour corollaire un léger déficit d’incarnation et de fiction, un risque de stase. Le cinéma d’Egoyan ressemble un peu à celui de son compère de Toronto, Cronenberg, à ceci près que l’auteur de Crash a su vivifier ses penchants conceptuels au contact des genres les moins respectables (polar, gore, fantastique, porno…) et en s’approchant des corps comme aucun autre cinéaste. Alors qu’Egoyan reste toujours dans la sophistication respectable. Comme beaucoup de ses films, Adoration a un côté tour Eiffel : une architecture admirable mais à la structure apparente – trop apparente, dans le cas d’un film.
{"type":"Banniere-Basse"}