Depuis les désormais fameux César de 2020, Adèle Haenel s’est faite beaucoup plus rare à l’écran. Dans une lettre à “Télérama”, l’actrice assume son choix politique et dresse un portrait à charge du monde du cinéma.
En exergue de cette lettre publiée sur Télérama, Valérie Hurier, directrice de la rédaction, revient sur la double interrogation qui a motivé la sollicitation de l’actrice : “Ce fut d’abord une interrogation : où était donc passée l’actrice Adèle Haenel, absente des écrans ? Suivie d’une autre question : cette disparition était-elle choisie ou subie, après son coup d’éclat aux César 2020 qui divisa le monde du cinéma et au-delà ?” La réponse de l’actrice, tranchante et sans équivoque, prend la forme d’une longue lettre adressée à l’hebdomadaire français.
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Un portrait à charge du milieu du cinéma
Dès sa première phrase, la condamnation du milieu du cinéma est sans appel : “J’ai décidé de politiser mon arrêt du cinéma pour dénoncer la complaisance généralisée du métier vis-à-vis des agresseurs sexuels et, plus généralement, la manière dont ce milieu collabore avec l’ordre mortifère écocide raciste du monde tel qu’il est.” Dans un contexte de crise politique, sociale et environnementale, l’actrice dénonce l’apolitisme d’un milieu privilégié : “Quelle est cette obsession du monde du cinéma – collégialement réuni aux César, en promotion pour ses films – de vouloir rester ‘léger’ ? De ne surtout parler de ‘rien‘.”
L’actrice emprunte au lexique marxiste pour dénoncer la participation active du monde du cinéma à l’ordre bourgeois et à un système de domination : “Remplir de vent l’espace médiatique a un but, celui de rendre l’ordre bourgeois aussi naturel que le bleu du ciel et de rendre inaudibles, marginales, les voix de celleux qui organisent la résistance pour que tous les humains puissent vivre dignement et qui essayent d’arracher un avenir à cette planète. Continuer de rendre désirable ce système est criminel.”
“Je vous annule de mon monde. Je pars, je me mets en grève”
Elle dresse ainsi le portrait d’un milieu hypocrite, qui défend tout à la fois des agresseurs sexuels (elle cite Depardieu, Polanski et Boutonnat), tout en produisant des films faussement engagés, qui instrumentalisent les luttes sociales sans y prendre part : “Et d’ailleurs, la grande industrie produit à dose homéopathique des films sur les pauvres héroïques et des femmes exceptionnelles, histoire de capitaliser toujours davantage sur notre dos sans donner aucune force à notre mouvement. Que tout le monde reste bien à sa place. Je le redis : la HONTE.”
Son retrait des écrans apparaît alors comme une conséquence logique et politique de tout le dégoût que lui inspire ce système : “Face au monopole de la parole et des finances de la bourgeoisie, je n’ai pas d’autres armes que mon corps et mon intégrité. […] Je pars, je me mets en grève, je rejoins mes camarades pour qui la recherche du sens et de la dignité prime sur celle de l’argent et du pouvoir.” Face à la complaisance et l’hypocrisie de l’industrie, Haenel conclut en évoquant sa collaboration avec Gisèle Vienne et loue ainsi certaines initiatives artistiques qui permettent de “garder la foi dans ce que peut vouloir dire la puissance de l’art”.
L’intégralité de la lettre est à retrouver sur Télérama.
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