Dans une enquête publiée sur le site Mediapart, l’actrice accuse celui qui l’a dirigée dans « Les Diables », en 2002, de harcèlement sexuel et d’attouchements alors qu’elle était âgée de 12 à 15 ans.
Ce dimanche 3 novembre, le site Mediapart a publié une longue enquête sur les accusations d’Adèle Haenel à l’encontre de Christophe Ruggia (article réservé aux abonnés). L’actrice, qui a fait ses premiers pas au cinéma en 2002 dans Les Diables, deuxième long-métrage du réalisateur, accuse ce dernier de harcèlement sexuel et d’attouchements lors du tournage et pendant la promotion du film, entre 2001 et 2004, alors qu’elle était âgée de 12 à 15 ans et qu’il avait entre 36 et 39 ans. Christophe Ruggia a refusé les demandes d’interview de Mediapart mais a précisé au média qu’il « réfut [ait] catégoriquement avoir exercé un harcèlement quelconque ou toute espèce d’attouchement sur cette jeune fille alors mineur ».
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L’ascendant d’un cinéaste « tout-puissant »
Plus d’une trentaine de personnes ont été interrogées au cours de cette enquête menée pendant sept mois, explique la journaliste de Mediapart Marine Turchi. Si certains témoins assurent n’avoir rien remarqué d’anormal sur le plateau, d’autres témoignages de personnes ayant participé au tournage des Diables vont dans le sens des affirmations de l’actrice et décrivent une étrange attitude de Ruggia auprès de la jeune fille et une situation d’emprise sur celle-ci.
La famille d’Adéle Haenel et des proches rencontrés par la suite évoquent l’ascendant du cinéaste « tout-puissant » sur l’actrice et un malaise croissant, caractérisés par une proximité physique alarmante qui se serait poursuivie loin du plateau au domicile de Christophe Ruggia et dans des hôtels pendant la promotion du film. Adèle Haenel raconte ainsi à Mediapart qu’elle aurait à plusieurs reprises été touchée par le réalisateur, alors qu’elle lui rendait visite à son domicile : « Je m’asseyais toujours sur le canapé et lui en face dans le fauteuil, puis il venait sur le canapé, me collait, m’embrassait dans le cou, sentait mes cheveux, me caressait la cuisse en descendant vers mon sexe, commençait à passer sa main sous mon T-shirt vers la poitrine. Il était excité, je le repoussais mais ça ne suffisait pas, il fallait toujours que je change de place. »
L’enquête de Mediapart évoque également des lettres écrites par le réalisateur pour l’actrice, en 2006 et 2007, où il évoque son « amour », qui « a parfois été trop lourd à porter ».
Silence et complicité
Pourquoi avoir décidé de parler aujourd’hui ? Adèle Haenel évoque un « engagement politique ». « Dans ma situation actuelle – mon confort matériel, la certitude du travail, mon statut social –, je ne peux pas accepter le silence. Et s’il faut que cela me colle à la peau toute ma vie, si ma carrière au cinéma doit s’arrêter après cela, tant pis. Mon engagement militant est d’assumer, de dire ‘voilà, j’ai vécu cela’, et ce n’est pas parce qu’on est victime qu’on doit porter la honte, qu’on doit accepter l’impunité des bourreaux. On doit leur montrer l’image d’eux qu’ils ne veulent pas voir », déclare-t-elle à Médiapart.
« Je veux raconter un abus malheureusement banal, et dénoncer le système de silence et de complicité qui, derrière, rend cela possible », a-t-elle ajouté.
Ces accusations viennent rappeler l’opacité qui entoure les relations de travail en général, et pointe la part d’ombre propre à l’industrie cinématographique en particulier. Un problème auquel s’est attaquée Marine Turchi dans un second article, consacré aux violences sexuelles systémiques dans le cinéma.
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