Un objet à part du cinéma US des seventies, tiré d’un classique du roman de SF. Toujours captivant.
Avec cette adaptation d’un roman fameux, classique de la littérature américaine signé Kurt Vonnegut Jr., George Roy Hill a certainement créé l’un de ses films les plus personnels, ambitieux et réussis, même si on aurait du mal à qualifier d’auteur ce cinéaste trop éclectique.
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Abattoir 5 fut en effet tourné entre Butch Cassidy et le Kid et L’Arnaque, deux divertissements brillants mais superficiels qui remportèrent un immense succès grâce au charme viril de leurs deux vedettes, Paul Newman et Robert Redford.
Abattoir 5, interprété par des acteurs peu connus, fait partie de ces anomalies du cinéma américain, qui, dans une période de décadence artistique et économique, chercha un second souffle du côté de la contre-culture ou de la modernité européenne.
Cela donna, pour le meilleur, Electra Glide in Blue, Mickey One, The Swimmer (que Splendor a la bonne idée de rééditer dans quelques semaines), ou cet Abattoir 5, aussi énigmatique que son titre, mais que les spectateurs qui l’ont vu depuis sa présentation à Cannes en 1972, même s’ils ne sont pas foule, n’ont pas oublié.
Abattoir 5, avec ses afféteries esthétiques, ses audaces pop et sa structure narrative aléatoire, sans doute inspirées par une rêverie surréaliste sur la mémoire et le temps comme L’Année dernière à Marienbad, permet en outre de poser la question suivante : y a-t-il vraiment eu une modernité américaine, ou de simples imitations opportunistes des révolutions formelles initiées par Resnais, Antonioni et -Godard sur le Vieux Continent ?
On a le droit de douter.
Arthur Penn ou George Roy Hill ont signé quelques films symptomatiques d’une mode ou d’une époque, mais les vrais artistes modernes américains des années 60 sont plutôt Robert Kramer, Monte Hellman, John Cassavetes et sans doute plus encore Jerry Lewis, cinéastes qui ont exploré, loin des chichis et des effets de déconstruction, des mythologies -purement américaines comme la Frontière, le territoire ou la société du spectacle. Des cinéastes de l’espace plus que du temps, donc.
Si le film de George Roy Hill échappe aux pièges du pensum arty, c’est que son message est profondément humaniste, voire naïf, dans la lignée des récits édifiants de Frank Capra.
Abattoir 5, qui emprunte à plusieurs genres et en particulier à la science-fiction, raconte le destin accidenté d’un homme ordinaire, Américain moyen nommé Billy -Pilgrim.
Pilgrim (Pèlerin) est un nom ad hoc, puisque notre héros a le don incontrôlable de voyager dans le temps et de vagabonder à travers les différentes périodes de son existence (y compris sa mort, absurde), de son enfance à son mariage malheureux, en passant par un épisode dramatique où, prisonnier des Allemands pendant la Seconde Guerre mondiale, il fut un des rares survivants du terrible bombardement de Dresde (le morceau de bravoure du film, inoubliable).
Dans un ordre non chronologique Abattoir 5 (d’après le nom du bâtiment ou Pilgrim est enfermé par les Allemands) est donc à la fois le portrait d’un homme sans qualités, spectateur candide de ses propres malheurs, une satire un peu lourde de l’American way of life, une terrible charge antimilitariste et… une spéculation sur l’existence d’extraterrestres bienveillants.
Pilgrim atterrit dans l’espace, observé par les habitants de la planète Trafalmador, qui lui ont offert comme compagne une gentille et plantureuse starlette (Valerie -Perrine, qui essaiera six ans plus tard de faire bander -Superman dans le beau film de Richard Donner).
Ce pourrait être trop, ce pourrait être énervant : c’est au contraire un film attachant et fort, qui ne démérite pas de son excellente réputation de classique de la marge.
P.-S. : le film doit beaucoup à Glenn Gould et à sa géniale interprétation du mouvement lent du Concerto pour clavier en fa mineur de Bach.
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