Récompensé du Prix Jean-Vigo en octobre 2021, ce court-métrage sensible et joyeux nous raconte comment une jeune femme en pleine errance parvient à oublier l’homme qui l’a fait souffrir.
On avait connu Lila Pinell en 2017 avec Kiss & Cry, coréalisé avec Chloé Mahieu et présenté à l’Acid, un film semi-fictif dans lequel on suivait le parcours d’adolescentes pratiquant le patinage artistique à haut niveau.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Le film comportait déjà certains éléments du Roi David, à savoir l’ancrage documentaire, un dispositif esthétique libre et une mise en scène structurée par de longs plans fixes. On y sentait également l’attrait des réalisatrices pour des personnages forts, à la personnalité débordante, la parole facile et la répartie saillante.
Une rencontre importante
La cinéaste rencontre Eva Huault, la comédienne principale et presque scénariste du Roi David, en 2009, lorsqu’elle réalise le court-métrage Nous arrivons, centré sur une colonie de vacances autogérée, dans le cadre de son master en documentaire à Lussas. Parmi les enfants, Eva, alors une préado excentrique, se détache.
Dix ans plus tard, les deux femmes se retrouvent ; naît alors l’idée de faire jouer Eva dans une fiction inspirée de leurs conversations. Lila Pinell enregistre des impros d’Eva Huault avec d’autres amies et écrit un canevas de scénario, d’après des répliques inspirées la comédienne. Le producteur Emmanuel Chaumet, attentif à l’avant-garde du cinéma avec sa société Ecce Films, accepte de la produire.
Une jeune femme en errance
Le film s’articule autour d’une double blessure : d’abord, celle du nez de Shana, qui ouvre le film en gros plan. Elle prétend qu’il s’agit d’un simple accident alors que l’on sait tous que son copain, David, l’a frappée. À cela s’ajoute une blessure amoureuse : Shana est accro à David, qu’elle imagine dans ses fantasmes affublé d’une couronne – en carton –, siégeant sur un trône au milieu du périphérique.
Shana ne parvient pas à l’oublier, alors même qu’elle sait le danger qu’il représente pour elle. Autre souci : Shana est fauchée, et aucune perspective d’avenir ne s’offre à elle : pendant 24 h, elle va essayer de recoller les morceaux de son existence, en dégottant un entretien d’embauche via une amie, en oubliant David qui se rappelle à elle dans des quasi-hallucinations ou en demandant de l’aide à sa mère, une bourgeoise qui ne veut plus entendre parler des frasques de sa fille.
Silence et douleur
Dans ce film doux et sensible, qui porte une parole audacieuse, maladroite par moments mais toujours honnête, la mise en scène précise et poétique de Lila Pinell accompagne – en même temps qu’elle déjoue – la gouaille et le tempérament incendiaires de son héroïne.
L’emploi singulier de la pellicule nous dit ceci : nous ne sommes pas dans une émission de télévision, où l’argot de la jeunesse pourrait devenir un trait exotique, mais bien au cinéma, un territoire où le silence – notamment des apparitions de David en survet’ et en couronne, sur un air de classique – fait résonner les plus sourdes douleurs de son héroïne, guerrière solitaire.
Le film est actuellement disponible sur Arte.
{"type":"Banniere-Basse"}