Un chassé-croisé sentimental, élégamment boulevardier dans ses péripéties mais timoré dans sa conclusion.
Depuis Le Chignon d’Olga, Jerôme Bonnell occupe la place de délicat sismographe des sentiments, infusant les codes de la comédie romantique douce-amère hollywoodienne avec le sachet de pudeur des maîtres asiatiques (Ozu – toutes proportions gardées)… ou français (Sautet). Un cinéma de la timidité, de la rétention, de l’intériorité des élans amoureux et pulsions érotiques qui finissent néanmoins par s’imposer.
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Dans A trois on y va, Bonnell poursuit cette fine dialectique du dit et du non-dit sentimental en la confrontant au classique triangle amoureux. Classique mais rehaussé de modernité : dans le couple formé par Charlotte (Sophie Verbeeck, bien, avec le rôle le plus ingrat) et Micha (amusant et touchant Félix Moati), chacun trompe l’autre… avec la même personne, leur meilleure amie Mélodie (Anaïs Demoustier, à chaque film de mieux en mieux). A travers ce trio se dessinent ou se devinent les variations contemporaines de l’amour et du cul : couple rangé, couple en crise, adultère, saphisme, amitié sexuelle, éventuel devenir trouple…
La question centrale du film est: comment concilier les élans du cœur ou du corps (aimer plusieurs personnes, aimer garçons et filles, etc.) avec la norme sociale ? Le suspense sentimental du film s’articule autour du et/ou: avec toi et toi, ou avec toi ou toi ? Quand et comment Charlotte et/ou Micha vont-ils comprendre que leur amante Mélodie couche aussi avec l’autre ? Mélodie va-t-elle choisir Charlotte ou Micha ou Charlotte et Micha ? Et vice versa dans les trois sens ? Bonnell joue de cette pelote de questions, dosant adroitement comédie et mélo en sourdine. La séquence où Charlotte puis Micha chassent Mélodie de leur maison, chacun à l’insu de l’autre, est un vrai bijou de rythme et de burlesque.
Pourtant, on n’adhère pas pleinement, comme si la retenue de Bonnell se transmettait au spectateur, comme si le penchant parfois trop appliqué de sa mise en scène filtrait les émotions. Et puis le film emprunte un dernier twist aussi inattendu que décevant, n’allant pas jusqu’au bout d’une des possibilités les plus enthousiasmantes de son histoire. Dommage, parce qu’on entend aussi s’élever le sublime The Ocean du grand Richard Hawley, qui atténue l’arrière-goût d’amertume du finale.
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