Premier long métrage de la réalisatrice, cette histoire d’amour réinvente la mythologie du vampire, entre teen movie et western contemporain.
La première œuvre d’un·e cinéaste a cela de fascinant que s’y joue, à un stade embryonnaire et souvent inconscient, la matrice des obsessions que les films suivants se chargeront d’approfondir, de trier et de complexifier. Au croisement du film de vampire, du teen movie et du western contemporain, Aux frontières de l’aube est le premier long métrage que Kathryn Bigelow réalise en solo, cinq ans après The Loveless, coréalisé avec Monty Montgomery.
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Cette histoire d’amour entre Caleb (Adrian Pasdar), un jeune paysan du Midwest, et Mae, une vampire de passage (Jenny Wright, lookée comme Madonna dans le clip Papa Don’t Preach, qui sort au moment du tournage du film), porte aussi les traces d’une autre romance, celle que la réalisatrice vit alors depuis peu avec James Cameron. En plus de faire un caméo dans le film, James aide Kathryn en rameutant sur le projet le chef opérateur de Terminator (1984) et trois acteurs secondaires d’Aliens le retour (1986), qu’il vient de terminer. Elle lui rend hommage en en glissant une affiche en arrière-plan de son propre film.
L’appétit ogresque et la précision du regard de la réalisatrice
Ce qui frappe dès les premières minutes d’Aux frontières de l’aube, c’est l’appétit ogresque, la précision du regard, le talent et l’urgence de la réalisatrice à filmer les corps désirants, la peau livide du vampire mêlée à celle, gorgée de sang, de l’homme, c’est un souffle romantique qui passe par le simple pouvoir de la représentation et qu’on ne retrouvera plus chez elle. Ce sentiment du cinéma comme jouissance est renforcé par la bande originale de Tangerine Dream, tout en nappes de synthé crépusculaires.
Si le film réinvente la mythologie du vampire en faisant de ces créatures de la nuit des punks magnifiques, mi-bikers, mi-clodos, elles restent l’épicentre du déchaînement des passions, du sexe, du crime et de la violence. Pour être accepté dans la famille vampirique de Mae, Caleb doit apprendre à tuer son prochain, et finalement à renier les valeurs de sa famille biologique.
A mesure que le film avance, il se fait moins romantique et plus rugueux
Cette façon de mettre en scène l’attrait du vice et le choix de la vertu est caractéristique du cinéma de Bigelow, à commencer par son film culte Point Break (1991). Mais derrière ce dilemme moral se cache une lame de fond plus retorse. A mesure que le film avance, il se fait moins romantique et plus rugueux. Jusqu’à une scène de bar où les vampires se livrent à une orgie d’hémoglobine.
Si Caleb se détourne de cette violence comme pur spectacle et affirmation brute de force, le cinéma de Bigelow l’embrassera par la suite complètement, en faisant son sujet de prédilection : de la puissance de feu de Démineurs (2008) à la traque de Ben Laden dans son chef-d’œuvre Zero Dark Thirty (2012), en passant par les violences policières de Detroit (2017).
Aux frontières de l’aube de Kathryn Bigelow avec Adrian Pasdar, Jenny Wright, Lance Henriksen (E.-U., 1987, 1h35). Sur Mubi
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