L’auteur d’A la place du coeur, Robert Guédiguian, fait penser à un médecin de proximité ; il possède son territoire, sa clientèle, connaît un seul diagnostic (c’est le coeur !) et un seul remède à tous les maux de l’humanité : un retour vorace au sein maternel ou à son substitut, le cocon familial. […]
L’auteur d’A la place du coeur, Robert Guédiguian, fait penser à un médecin de proximité ; il possède son territoire, sa clientèle, connaît un seul diagnostic (c’est le coeur !) et un seul remède à tous les maux de l’humanité : un retour vorace au sein maternel ou à son substitut, le cocon familial. Comme c’est un cinéaste, il possède une trousse merveilleuse dont il tire comme du chapeau d’un magicien des trésors qui sont le secret de sa réussite : pas moins de 24 mensonges par seconde. Dans une séquence du film, l’héroïne (Clim) est tirée brusquement mais silencieusement de son sommeil par un cauchemar. Aussitôt, sa mère, alertée comme si un fil invisible les reliait, se précipite à son chevet et la console. Guédiguian est à l’image de cette mère : c’est un bon papa dont les personnages s’appellent Clim, Bébé, Soeurette, mais dont le film ne possède jamais l’honnête cruauté des contes pour enfants.
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De quoi s’agit-il ? Clim et Bébé s’aiment. Seulement voilà, Bébé est noir et un méchant policier FN s’arrange pour le charger d’un viol qu’il n’a pas commis. Bébé est en prison lorsque le film débute et il s’agit de l’en faire sortir. C’est-à-dire faire admettre à la victime du viol (une Bosniaque) qu’elle n’a pas vu son agresseur et qu’elle s’est laissé influencer par le vilain policier. Pour cela, la maman de Clim fait un voyage à Sarajevo, où cette faible femme est retournée, dans le but de laver Bébé du soupçon qui entache toute la communauté.
Tant que Guédiguian met en scène ses ouvriers marseillais dans l’élément naturel qui leur sert de petit théâtre, son film, quoique d’une cucuterie et d’un manichéisme effrayants (rien à voir avec Pagnol), reste supportable. Mais dans le voyage à Sarajevo, il y a une artificialité qui est, elle, insupportable. La tragédie bosniaque est prise en otage pour illustrer une vision stalino-simpliste selon laquelle les damnés de la terre, par-delà les frontières, seraient tous moralement irréprochables « Eux et nous, on est pareils, on est tous dans la même merde », dira en substance la mère de Clim quand les Bosniaques aideront à dénouer l’affaire. Certes, les cadrages de Guédiguian sont impeccables, mais ils ne renferment qu’un vide immaculé, glacial, excluant les pauvres pécheurs que nous sommes tous.
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