Après « The Tree of Life », Terrence Malick n’arrive pas à donner de l’étoffe à un film qui vire parfois au sermon boursouflé.
Avec À la merveille, le cas Malick s’épaissit et nous laisse de plus en plus perplexe. On avait une théorie très personnelle sur ce cinéaste atypique : depuis le superbe Badlands (La Balade sauvage), chaque nouveau Malick baissait d’un cran, montait en solennité sentencieuse et en mysticisme un brin pompeux, mais était toujours sauvé par un fondement thématique fort (le crime en série, la guerre, la découverte de l’Amérique…) et une tenue formelle éblouissante, cette caméra quasi liquide qui tentait de filmer l’infilmable intériorité des êtres.
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Dans À la merveille, tout le cinéma de Malick est là – les voix off, la caméra-anguille, le montage fluide, l’ambition cosmogonique… – mais le film peine à s’inscrire, tel du sable qui file entre les doigts. Il raconte l’histoire d’amour de Neil et Tatiana, et de la fillette de cette dernière issue d’un précédent lit. Un couple et une famille recomposée, leur bonheur fusionnel à Paris, puis leur vie plus routinière en Oklahoma, le doute qui s’installe…
Ce pitch n’est évidemment pas traité selon les canons narratifs habituels, mais à la Malick, sous forme d’amples coulées d’images sur lesquelles se déposent les voix intérieures des protagonistes en lieu et place des usuels dialogues. Ces volutes de sons et d’images sont parfois saisissantes de beauté et de mystère (le couple au milieu d’un troupeau de bisons…), parfois à peine meilleures qu’un clip touristique tourné par Claude Lelouch.
Les occurrences religieuses abondent, à l’image ou dans les voix off. Un prêtre, confident de Neil, doute de sa foi au moment où celui-ci doute de son amour. Il est évident que pour Malick l’amour religieux et l’amour terrestre procèdent de la même source et sont censés nous guider “vers la merveille”, vers la grâce de la vie. Dans ce cinéma mental et métaphysique, évanescent et désincarné, où tout semble procéder d’un songe ou d’un souvenir, les acteurs s’en tirent avec des fortunes diverses. Si Olga Kurylenko fait le job, Ben Affleck paraît errer sans repères, alors que Javier Bardem en curé fait involontairement sourire.
Nul doute que Terrence Malick est un filmeur hors pair et on salue sa volonté de bâtir une œuvre défiant toute norme. Mais son style est à haut risque, reposant sur un équilibre très fragile entre génie et imposture, métaphysique puissante et boursouflure.
À la merveille tombe plutôt du mauvais côté. Le film n’imprime pas, et à quelques éclats de beauté près nous fait l’effet d’un interminable robinet d’imagerie doublé d’un fastidieux sermon.
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