Chaque nouvelle vision de Gun crazy, sorti en 1949, vient conforter sa réputation de chef-d’ uvre de la série B, tant cette banale histoire d’amants hors la loi parvient à un équilibre miraculeux entre impératifs économiques et invention esthétique, les limitations de budget et de temps contraignant le cinéaste à inventer des solutions de mise […]
Chaque nouvelle vision de Gun crazy, sorti en 1949, vient conforter sa réputation de chef-d’ uvre de la série B, tant cette banale histoire d’amants hors la loi parvient à un équilibre miraculeux entre impératifs économiques et invention esthétique, les limitations de budget et de temps contraignant le cinéaste à inventer des solutions de mise en scène aussi lumineuses qu’inédites. Sans maniérisme ni systématisme, Gun crazy renouvèle ainsi à chaque instant son traitement de situations archi codées, les expédiant en deux plans fulgurants, compressant le temps par le montage, ou au contraire jouant du temps réel pour exacerber la tension. Ici, la beauté naît de l’hétérogène, entre lyrisme et sécheresse : le recours à des procédés documentaires évoque le néoréalisme (un couple vu à travers un pare-brise, c’est déjà Voyage en Italie) et annonce la désinvolture d’A bout de souffle, alors que le film se permet une stylisation quasi féerique – comme dans les flash-backs sur l’enfance du héros et surtout la séquence du voyage de noces. Surtout, le film ne s’appuie sur aucun alibi moral : les amants criminels ne sont le jouet ni d’un fatum de tragédie (comme Les Amants de la nuit de Ray) ni d’un contexte social (comme Bonnie & Clyde chez Penn), mais de leurs seules pulsions, aussi irrésistibles que contradictoires : le grand benêt aime les armes mais pas la violence, l’adorable garce aime le luxe mais aussi son homme, le désir est une fuite en avant. Et ils sont enchaînés l’un à l’autre autant par une attraction/répulsion que par un appétit de fiction : quand Peggy Cummins lance I want some action!?, c’est un cri de metteur en scène.
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