Une fable fantastique sur un village maudit, où le cinéaste mêle le grotesque au kabuki.
Après Silence (1971), découvert il y a quelques mois, voici venir un nouveau film, inédit en France, de Masahiro Shinoda, L’Étang du démon (1979). Alors que Silence s’emparait, sur un mode épique et spirituel, d’un épisode de l’histoire du Japon, avec L’Étang du démon, on bascule franchement dans une dimension fantastique.
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En 1913, un homme seul arrive par le train au cœur d’un village perdu au milieu de nulle part. D’emblée, l’ambiance est étrange et, très vite, le voyageur est comme saisi par une menace indéfinissable. Ce prologue, très réussi, nous fait entrer dans un monde qui obéit à ses propres règles. Un monde dans lequel ce voyageur va découvrir, entre autres, qu’une sombre malédiction règne sur le village.
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Des enjeux écologiques qui nous sont familiers
De là, L’Étang du Démon se divise en trois parties qui nous font pénétrer de plus en plus profondément dans un univers aux contours de plus en plus fantasmagoriques. Dans le premier tiers, on découvre peu à peu cet univers dissimulé aux yeux du monde dans lequel on rencontre, en particulier, une femme au visage fardé qui semble cacher un lourd secret. Une femme incarnée par un homme, comme la tradition le voulait dans le théâtre du kabuki. L’ambiance est mystérieuse, stylisée, empreinte d’une certaine théâtralité assumée par Shinoda.
Au milieu du récit, le film bifurque vers le registre du pur conte, peuplé de créatures mi-animales, mi-divines, qui fait basculer L’Étang du démon vers un grotesque assumé. C’est la partie la plus difficile à appréhender pour un·e spectateur·trice occidental·e, quelque peu déstabilisé·e par cette galerie assez monstrueuse. Heureusement, le dernier tiers opère une synthèse des deux premières parties et, sans rien révéler des enjeux narratifs, se conclut dans une forme d’apocalypse visuellement magnifique. Comme si le cinéma reprenait ses droits sur le théâtre.
J’ai omis de préciser qu’il est beaucoup question, dans L’Étang du démon, d’une sécheresse persistante et d’une menace d’inondation. Ça n’a rien d’anodin tant le film de Masahiro Shinoda résonne finalement, de manière indirecte, avec des enjeux écologiques qui nous sont familiers, même s’il n’est pas certain que le cinéaste en ait eu une conscience aussi précise. Peu importe puisque ce film, quasi inconnu, revient vers nous aujourd’hui, porteur
de significations plus explicites qu’au moment de sa réalisation, il y a plus de quarante ans. Une raison supplémentaire de découvrir cette drôle de fable, imparfaite, bizarre, parfois presque aberrante, mais finalement nécessaire.
L’Étang du démon de Masahiro Shinoda, avec Tamasaburo Bando, Go Kato, Tsutomu Yamazaki (Jap., 1979, 2 h 04). En salle le 22 septembre.
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