Portrait fascinant du peintre David Hockney conçu comme une fiction. Un film mythique.
Certains historiens, certains entomologistes ont automatiquement classé ce documentaire parmi les fleurons du cinéma gay. Il est sûr que A Bigger Splash a pour sujet le peintre David Hockney (que l’on suit entre 1971 à 1973), connu pour ses préférences sexuelles, indissociables de son œuvre. Mais le film dépasse largement toute catégorie grâce à son style unique et son élégance. La beauté de ce portrait mythique, relativement peu diffusé depuis sa sortie, réalisé par un cinéaste peu prolifique – dont l’autre titre de gloire est Rude Boy, docu-fiction sur The Clash –, provient du fait que, sans se mesurer à la peinture d’Hockney (même s’il prolonge quelques-unes de ses toiles célèbres, notamment celles de la série des piscines auxquelles il emprunte son titre), Jack Hazan produit lui-même une œuvre d’art. Un tableau vivant sur un grand peintre. Certes, en soi, Hockney est un sujet en or pour un cinéaste : un artiste dandy que son apparence, son accoutrement, son allure de clone vaguement warholien, sa diction posée, le décor raffiné dans lequel il évolue transforment en figure romanesque. En le voyant déambuler de-ci, de-là dans Londres au volant de sa petite BMW, on pense irrésistiblement à un personnage tout aussi mobile et insaisissable : le photographe de Blow up d’Antonioni incarné par David Hemmings. Sans doute la similitude ne tient-elle pas seulement au sujet, à la trajectoire du personnage, ou même à la ville où est situé l’essentiel des deux films. Il y a aussi une parenté du travail sur le son, parfois postsynchronisé, épuré, comme c’était alors courant dans la fiction. Car la grande singularité de A Bigger Splash est bien qu’il soit conçu comme un film de fiction : tournage soigné en 35 mm, cadrages étudiés, travellings, flash-backs, voix off distanciée, musique postromantique… Tout le contraire des conventions actuelles du documentaire (qui doit ressembler à un reportage, avec une image brouillonne et un cadre tressautant qui garantissent son authenticité). Mais pourquoi un documentaire devrait-il être une parcelle brute arrachée au réel ? Quelle loi interdit qu’il soit travaillé comme une œuvre plastique ? Il n’y a pas pour autant de narration évidente dans A Bigger Splash, suite discontinue de scènes-tableaux. Les bribes de la vie du peintre (notamment sa rupture avec son amant et modèle Peter Schlesinger) et son travail sont des repères épisodiques au sein d’une mosaïque plus abstraite, laquelle, au bout du compte, lorsqu’on prend du recul, dessine un portrait d’Hockney aussi fragmenté que ses “joiners”, collages constitués d’une multitude de photos.
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