Un film qui se veut trop ostensiblement torride et provocateur mais n’évite pas les clichés.
99 Moons laisse un peu indifférent. La première scène est surprenante, pourtant : une jeune femme se fait agresser dans un parking par un homme masqué, mais la situation se renverse très vite. Elle contraint son agresseur à la faire la jouir sans qu’il obtienne rien d’elle en retour, puis le congédie sans laisser d’adresse. Tout cela était organisé, en réalité, apprenons-nous vite : un contrat sur Internet.
Ensuite, les deux “amants”, elle scientifique, lui marginal habitué des milieux underground, se revoient régulièrement, pendant environ huit années (99 lunes, donc). Le film accumule alors des scènes plus ou moins érotiques, violentes et répétitives, qui se veulent sans doute torrides et scandaleuses, où les deux partenaires – sous l’empire de substances diverses – font par exemple l’amour avec une seconde femme dans la baignoire d’une salle de bain à la lumière jaunâtre. Bon. Soit. Rien qui puisse vraiment choquer : après tout, tout le monde est adulte et consentant – apparemment.
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Une redite de clichés éculés
Et ce film suisse, présenté à Cannes en 2022 à l’ACID, se perd alors en considérations un peu nébuleuses et peu intéressantes sur la fragilité de la frontière entre l’amour et le plaisir sexuel. Peu à peu nos amants fébriles deviennent un couple aux préoccupations petites bourgeoises : on ne se comprend plus – air connu, convenu. Le plus convenu étant de dépeindre une fois de plus, en toute bonhommie, en toute quiétude intellectuelle, certaines pratiques sexuelles comme perverses, marginales, sordides. Comme si Jan Gassmann ignorait qu’il est possible de les montrer différemment, au moins une fois dans l’histoire du cinéma.
Rappelons – ce n’est qu’un exemple – qu’en 1977, un neuropsychiatre et psychanalyste nommé Michel de M’Uzan (1921-2018), racontait dans un texte assez célèbre (“Un cas de masochisme pervers : esquisse d’une théorie” in De l’art à la mort ) ses échanges avec un masochiste, qui l’avaient amené à conclure que le masochisme n’était pas une docilité, mais plutôt une provocation, une insolence, et finalement à considérer que cet homme semblait épanoui. On peut contester les conclusions de M’Uzan. D’ailleurs, ce texte a été maintes critiqué, réfuté. Quoi de plus normal ? C’est la vie des idées. Mais à quoi sert un cinéaste s’il ne fait que répéter malgré lui des clichés éculés ?
99 Moons de Jan Gassmann. En salle le 10 mai.
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